Après la Seconde Guerre mondiale, une vague de contestation s’élève à travers l’Afrique pour mettre fin à la domination coloniale française. Des figures emblématiques comme Sékou Touré, Modibo Keïta, Ruben Um Nyobe et Léopold Sédar Senghor ont façonné la lutte pour la liberté, chacune incarnant une vision distincte de l’indépendance et du développement post-colonial.
Sékou Touré (1922-1984) : Héritier de la résistance
Issu d’une lignée de combattants anti-coloniaux, Sékou Touré s’inscrit très tôt dans la lutte contre les injustices coloniales. Petit-fils du légendaire Samori Touré, résistant à la pénétration française, il s’impose dès les années 1940 comme leader syndical et militant politique. En 1958, il prend position contre le projet d’autonomie proposé par de Gaulle, avec cette phrase mémorable : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage. » Ce refus historique, qui mènera la Guinée à l’indépendance, symbolise l’aspiration inébranlable de tout un peuple à la souveraineté.
Modibo Keïta (1915-1977) : L’unité africaine avant tout
Modibo Keïta, surnommé « le géant du Mali », a toujours défié l’autorité coloniale, même pendant sa formation à Dakar. Défenseur acharné de l’unité africaine, il s’engage en 1946 au Rassemblement démocratique africain (RDA) et se fait une réputation de farouche opposant à la France. Sa présidence au Mali, acquise en 1960, sera marquée par un virage vers le socialisme et la coopération avec la Chine et l’URSS. Son rêve d’une Afrique unie, concrétisé par l’Union des États d’Afrique de l’Ouest, bien que de courte durée, illustre sa vision panafricaine. Il déclarait : « Notre liberté serait un mot vide de sens si nous devions toujours dépendre financièrement de tel ou tel pays. »
Ruben Um Nyobe (1913-1958) : Martyr de la cause camerounaise
Leader de l’Union des populations du Cameroun (UPC), Ruben Um Nyobe lutte pour l’unification et l’indépendance totale de son pays, divisé sous domination française et britannique. Traqué par les forces françaises, il paiera le prix ultime de son engagement, assassiné en 1958. La répression qui a suivi son assassinat montre les limites de la bienveillance coloniale et met en lumière la brutalité avec laquelle certains mouvements indépendantistes ont été écrasés. Sa mort a précipité l’indépendance du Cameroun, mais sous le joug d’un régime dictatorial allié à la France.
Léopold Sédar Senghor (1906-2001) : Le poète-président et la voie de la coopération
Léopold Sédar Senghor, chantre de la négritude et défenseur de la francophonie, incarne une autre facette de la décolonisation. Après des études brillantes en France et une carrière politique influente, il devient président du Sénégal en 1960. Contrairement à Touré, Senghor prône une coopération étroite avec la France, qu’il voit comme un partenaire culturel et politique essentiel pour le développement de l’Afrique. Premier Africain à entrer à l’Académie française, son parcours montre qu’il existait aussi une voie moins conflictuelle vers l’indépendance, plus ancrée dans le dialogue que dans la rupture.
Ces quatre figures, malgré des visions parfois opposées, ont toutes contribué à la libération de l’Afrique francophone du joug colonial. Chacune a tracé une voie singulière vers l’émancipation, faisant de l’histoire de la décolonisation un récit complexe et riche en enseignements.
Sélection Khalil Djafounouka KABA
Source : Frédérice Granier et Cyril Guinet