Aliou Bah, figure montante de la politique guinéenne et leader du Mouvement démocratique libéral (MoDeL), a récemment adressé un réquisitoire cinglant à l’encontre de ceux qui, hier comme aujourd’hui, choisissent de soutenir sans discernement les régimes militaires qui se succèdent au sommet de l’État. Une question brûlante lui vient à l’esprit : où sont passés ceux qui, il y a quelques années, élevaient Dadis Camara au rang de Moïse, le « sauveur » autoproclamé du peuple ? Cette interrogation fait écho à une tendance récurrente en Guinée, celle de glorifier des chefs militaires avant que l’histoire ne révèle la face obscure de leur règne.
Aliou Bah, avec son franc-parler habituel, ne mâche pas ses mots. Il accuse sans détour une frange de la population et des élites politiques de jouer un jeu dangereux. Ceux qui encouragent aujourd’hui la junte au pouvoir à s’y maintenir, malgré les engagements pris pour une transition vers la démocratie, ne serviraient pas la Guinée mais plutôt leurs intérêts personnels. Il est difficile de ne pas voir, dans ces soutiens opportunistes, la continuité d’une attitude qui a marqué l’histoire politique guinéenne : cette capacité à soutenir le régime en place, quel qu’il soit, tant qu’il promet de servir des privilèges individuels. Pour Bah, il est évident que cette approche mène droit à l’instabilité.
L’indépendance de la Guinée a déjà 66 ans, et le constat est amer. Tantôt sous des régimes civils, tantôt sous la férule de militaires, le pays n’a jamais réussi à trouver un chemin vers une gouvernance véritablement efficace et bénéfique pour la majorité de ses citoyens. Entre corruption, mauvaise gestion des ressources minières et culte de la personnalité, les décennies se sont succédées sans offrir à la Guinée l’opportunité de rompre avec un passé d’échecs. Aliou Bah appelle alors à une prise de conscience collective : pourquoi permettre encore une fois à un petit groupe d’individus avides de pouvoir de tirer le pays vers le bas ?
Cette posture n’est pas seulement celle d’un homme en colère ; elle est celle d’un patriote inquiet pour l’avenir de son pays. La Guinée, qui a trop longtemps souffert de ces cycles de violence politique et de manipulation, risque aujourd’hui de retomber dans les mêmes travers. L’avertissement d’Aliou Bah est clair : ceux qui choisissent d’encourager la junte actuelle sont, en réalité, complices de la violence d’État qui s’installe progressivement et de l’insécurité qui menace chaque jour un peu plus les citoyens.
Alors que le pays continue d’envoyer des demandeurs d’asile à travers le monde, malgré l’absence de conflit armé sur son territoire, Aliou Bah pointe du doigt une réalité plus sournoise : celle d’une gouvernance qui pousse ses propres citoyens à fuir, faute de perspectives viables. L’appel qu’il lance aux Guinéens est d’une urgence cruciale. Le peuple doit se dresser contre cette répétition historique avant qu’il ne soit trop tard.
Au-delà des figures de proue et des promesses de transition, il est temps pour la Guinée de sortir de l’ombre de ses démons politiques. Le leader du MoDeL prévient : si nous n’apprenons pas des leçons du passé, nous serons condamnés à les revivre. Et cette fois-ci, le prix à payer pourrait bien être plus lourd que jamais.
Alpha Amadou Diallo