Fatmata s’était souvent demandé comment elle en était arrivée là. Elle, autrefois femme de président, aujourd’hui presque oubliée, comme tant d’autres. L’histoire se répétait, encore et encore, pour les épouses des chefs d’État africains. Lorsque leur mari quittait le pouvoir, par la force des choses ou par un coup du destin, c’était elles qui en payaient le prix le plus lourd. Une fois veuves ou simplement reléguées, elles étaient laissées à leur sort, condamnées à l’ombre et à l’indifférence. Les regards, autrefois admiratifs, se faisaient fuyants, les portes se fermaient.
Fatmata Nippe Momoh se souvenait bien du jour où tout avait basculé pour elle. Son époux, l’ancien président sierra-léonais, destitué, et elle, dépouillée de sa maison, de son statut, de sa place dans la société. La douleur de la perte n’était rien face à l’humiliation quotidienne. Elle n’était plus qu’un fantôme dans son propre pays. Mais il y avait une limite à ce qu’elle pouvait endurer. Elle savait qu’elle n’était pas seule dans cette situation, que d’autres femmes, dans toute l’Afrique, vivaient cette même déchéance après avoir été au sommet. Et il était temps que cela change.
Un jour, Fatmata prit une décision qui allait bouleverser le cours des choses. Elle appela à l’unité. Avec détermination, elle lança l’idée d’une coalition : la FPWC, la Fédération des épouses d’anciens présidents. À ses yeux, cette organisation n’était pas seulement une question de justice, mais de dignité. « Ces femmes ont façonné, chacune à leur manière, l’histoire de leur nation », disait-elle. « Nous ne pouvons plus nous permettre de rester dans l’ombre. Nous avons des droits. »
Elle n’avait pas oublié le geste qui l’avait profondément émue quelques mois plus tôt, venant d’un homme inattendu : le président guinéen, le Général Mamadi Doumbouya. Lui, le chef d’État, Général d’armée, avait osé faire ce que d’autres n’avaient jamais envisagé. Il avait réhabilité Hadja André Touré, l’épouse de l’ancien président Ahmed Sékou Touré, en lui rendant sa résidence de Belle-Vue. Ce geste simple, mais symbolique, résonnait comme un cri de reconnaissance pour toutes ces femmes laissées pour compte. Fatmata y avait vu un signe. « Ce jour-là, j’ai su que le changement était possible », se remémorait-elle.
C’est donc portée par cet espoir qu’elle décida de se lancer dans un projet ambitieux : organiser un forum en Guinée. Ce forum, prévu pour le 19 décembre 2024, serait un hommage non seulement au président Doumbouya, mais aussi à toutes les femmes d’Afrique qui, comme elle, luttent pour être reconnues et pour retrouver leur place dans une société qui les a trop souvent oubliées. « Ce sera plus qu’un rassemblement », disait Fatmata avec émotion, « ce sera un moment pour célébrer notre résilience, notre solidarité et notre rôle dans l’histoire de l’Afrique. »
Alors que le forum se rapprochait, Fatmata pensait souvent à ce chemin parcouru, à cette nouvelle mission qui l’animait. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire en songeant à la Guinée, ce pays qui l’avait accueillie, elle et son mari, après le coup d’État en Sierra Leone. Aujourd’hui, c’était à son tour de rendre hommage à cette terre généreuse, et à toutes ces femmes courageuses. Ce forum serait un acte de reconnaissance, un symbole d’unité pour toute l’Afrique.
Alpha Amadou Diallo