Dakar, le 30 octobre 2024 – Le cas de Bakary Gamalo Bamba, directeur du bimensuel « Le Baobab », résonne comme une alerte inquiétante pour la liberté de la presse en Guinée. Détenu depuis le 20 octobre pour « atteinte à la vie privée » d’un juge, ce journaliste chevronné est au cœur d’une affaire révélatrice des tensions profondes entre la presse et le pouvoir judiciaire.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) n’a pas tardé à réagir. Depuis Johannesburg, Angela Quintal, responsable du programme Afrique, a fermement dénoncé cette arrestation. « Les autorités guinéennes doivent libérer immédiatement et sans condition le journaliste Bakary Gamalo Bamba, emprisonné pour avoir enregistré un juge dans le cadre de son travail. » Cette déclaration met en lumière une contradiction flagrante : la loi guinéenne, qui accorde une protection spécifique aux journalistes en exercice, semble ici violée sans justification.
Le 20 octobre, les faits éclatent : le juge Francis Kova Zoumanigui, président de la Cour de répression des infractions économiques et financières, s’emporte lors d’un entretien chez lui à Conakry. Découvrant que Bamba l’enregistrait, il aurait réagi avec violence – une gifle et un verre de vin jeté au visage du journaliste, selon le Syndicat des Professionnels de la Presse de Guinée (SPPG). Une scène indigne d’un État de droit.
Face au tribunal, Bamba, 68 ans, a justifié l’enregistrement comme un outil de travail, destiné à garantir la fidélité de ses notes pour une enquête en cours, sans intention de nuire ni de divulguer le nom du magistrat. Pourtant, cet acte de collecte d’informations l’a mené derrière les barreaux. Pis, il dénonce avoir subi des violences physiques, orchestrées par le juge lui-même par l’intermédiaire de son agent de sécurité.
Le juge Zoumanigui, de son côté, maintient une version bien différente. Selon lui, Bamba ne se serait jamais présenté en tant que journaliste et n’aurait pas été brutalisé. Il se défend d’une volonté d’incarcération, mais insiste sur la nécessité de protéger sa réputation face à ce qu’il qualifie de « fausses allégations ».
L’affaire dépasse le simple cadre d’un différend personnel. La demande de libération de Bamba a été rejetée, et le procès se poursuit, avec une audience cruciale prévue le 12 novembre. Sa détention est un test pour la loi sur la presse en Guinée, qui stipule clairement que les journalistes ne doivent pas être emprisonnés pour leur travail, à moins de circonstances très spécifiques.
En réalité, ce procès interroge sur l’espace réel accordé à la liberté d’expression et de presse dans le pays. Si l’arrestation d’un journaliste devient la norme pour ce qui relève de son métier, c’est toute la société guinéenne qui en paiera le prix. Bakary Gamalo Bamba n’est pas seulement un homme à défendre ; il est un symbole de cette lutte pour un journalisme libre, digne et protégé.
Algassimou L Diallo