À l’aube de l’échéance officielle de la transition guinéenne, prévue pour fin décembre, un constat accablant s’impose : la CEDEAO, pourtant censée garantir la stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest, semble à bout de souffle face à l’incapacité des autorités guinéennes à honorer leurs engagements. Depuis le coup d’État de septembre 2021, l’organisation régionale se distingue par une mollesse qui frôle la complicité, offrant à la junte guinéenne un soutien tacite qui se transforme en un bras de fer sans fin.
Rappelons que dès le renversement du président Alpha Condé, la CEDEAO avait posé des conditions claires : des élections dans un délai raisonnable, pas plus de six mois. Face aux difficultés, un compromis fut trouvé : le CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement) s’engageait à organiser le retour à l’ordre constitutionnel dans les 24 mois suivant le coup d’État, avec un délai supplémentaire de 12 mois accordé à la junte. Mais voilà, deux ans après, aucune action concrète n’a été menée. Aucun référendum constitutionnel, et le calendrier électoral reste un vœu pieux, reporté à une date indéterminée, selon les bon vouloir de la junte.
Dès lors, on peut légitimement se demander si la CEDEAO n’a pas, consciemment ou non, facilité la prolongation du pouvoir militaire en Guinée. Bien que l’organisation ait fait preuve de fermeté dans ses premières réactions, sa posture actuelle traduit une évidente bienveillance à l’égard des putschistes. Les sanctions diplomatiques qu’elle a imposées n’ont eu aucune incidence réelle : les membres du CNRD ont continué leurs déplacements internationaux et l’organisation s’est laissé aller à célébrer des « progrès » qui n’existaient que sur le papier.
Lors du sommet de la CEDEAO, à Abuja, le 15 décembre dernier, la Guinée a été reléguée au second plan, éclipsée par les préoccupations liées au Mali, au Burkina Faso et au Niger, trois pays récemment exclus de l’organisation. Loin d’affirmer une position ferme face à la junte, la CEDEAO semble s’être résignée, comme si la situation guinéenne ne justifiait plus une prise de position forte. Certes, elle a appelé à « accélérer le processus de rétablissement de l’ordre constitutionnel » et annoncé l’envoi d’une mission de haut niveau. Mais, sur le fond, les questions cruciales des élections et du référendum n’ont pas fait l’objet de discussions franches. Silence assourdissant et promesses vaines.
La CEDEAO aurait pourtant pu adopter une posture plus déterminée, exigeant le respect des engagements ou, à défaut, imposant une alternative concrète. Mais sa stratégie de non-intervention a contribué à l’enlisement de la transition, fragilisant ainsi son rôle de gardienne de la démocratie en Afrique de l’Ouest. La junte guinéenne, confortée par cette absence de pression, poursuit sa dérive, sans la moindre crainte d’une sanction réelle.
La question du financement des élections, qui pourrait devenir le prétexte ultime au report des scrutins, reste également en suspens. Bien que la CEDEAO ait promis son soutien financier, les autorités guinéennes pourraient invoquer l’absence d’accompagnement pour justifier une nouvelle prolongation de la transition. Une situation dans laquelle l’inaction de la CEDEAO pourrait se retourner contre elle, rendant toute contestation de ce report difficilement recevable.
En somme, la transition guinéenne est devenue une épine dans le pied de la CEDEAO, une question tabou sur laquelle l’organisation préfère se taire plutôt que de poser des questions de fond. Au final, ce silence complicite une dérive qui érode la crédibilité de la communauté ouest-africaine en matière de gouvernance démocratique.
Algassimou L Diallo