Conakry, 5 février – Il y a des hommes qui bâtissent des empires, d’autres qui les dirigent. Et puis, il y a ceux qui, en silence, dessinent les contours d’un avenir politique sans toujours en récolter les fruits. Bah Oury, aujourd’hui Premier ministre, appartient sans doute à cette catégorie.
Face aux journalistes réunis pour sa conférence de presse hebdomadaire, il déroule son histoire avec la sérénité de celui qui a vu le temps trancher. Pas d’amertume apparente, juste un besoin de rétablir les faits. « J’ai fondé l’UFDG avec une vision claire », rappelle-t-il d’un ton mesuré. Une vision qui, selon lui, n’a jamais été motivée par une ambition personnelle, mais par un impératif collectif : structurer une opposition crédible et forte.
L’histoire de l’UFDG est indissociable de ses choix stratégiques. En 2002, alors que la question du leadership se pose, Bah Oury et ses camarades font le pari de l’expérience en maintenant Bâ Mamadou à la tête du parti. « Il incarnait une légitimité, une aspiration populaire », explique-t-il, insistant sur la nécessité, à l’époque, de bâtir sur du solide.
Mais c’est en 2008 que l’échiquier politique prend un virage décisif. L’arrivée de Cellou Dalein Diallo à la présidence de l’UFDG n’est pas le fruit du hasard, mais d’un calcul mûrement réfléchi. Ancien Premier ministre sous Lansana Conté, Dalein apparaît alors comme l’homme providentiel, celui qui pourrait fédérer au-delà des clivages traditionnels. « Il était perçu comme un réformateur, une figure capable de rassembler », justifie Bah Oury, comme pour rappeler que cette ascension n’aurait pas été possible sans son aval.
Le temps a fait son œuvre. L’UFDG est devenu un acteur incontournable de la scène politique guinéenne, Cellou Dalein Diallo son visage emblématique. Quant à Bah Oury, son destin a pris un autre chemin, marqué par l’exil, les fractures et aujourd’hui, une posture de Premier ministre qu’il qualifie de « privilégiée ».
Mais derrière son discours d’homme d’État résolument tourné vers l’avenir – évoquant le projet Simandou et les ambitions économiques du pays –, une question demeure : l’histoire retiendra-t-elle son rôle dans la construction de l’UFDG, ou restera-t-il cet architecte de l’ombre, éclipsé par ceux qu’il a contribué à propulser ?
Amadou Diallo