Conakry, avril 2025 — L’annonce a fait l’effet d’une bombe dans les milieux politiques guinéens. Le gouvernement a récemment officialisé l’acquisition de 6 000 kits de recensement électoral pour un montant estimé à 35 millions de dollars américains, soit plus de 300 milliards de francs guinéens. Une somme colossale, et surtout, une opération qui soulève de nombreuses interrogations quant à sa transparence.
Dans les rues de Conakry comme dans les coulisses des partis politiques, la même question revient en boucle : à qui profite ce marché ?
Au siège du Bloc Libéral (BL), à Ratoma, le président du parti, Dr Faya Millimouno, ne cache pas son indignation.
“Y a-t-il eu un appel d’offres ?”, lâche-t-il d’un ton sec, entre deux piles de dossiers. “On ne peut pas le savoir, puisque rien n’a été communiqué. Où est la transparence ? Quelles entreprises ont soumissionné ? Quel était le cahier des charges ?”
Selon lui, l’entreprise ITEC, désignée comme fournisseur du matériel, aurait obtenu le marché dans des conditions opaques. Une méthode qui rappelle, à ses yeux, de tristes pratiques du passé.
“Quand on prend l’argent du contribuable pour le remettre à une société choisie sans aucune compétition, on ne respecte ni la République, ni les citoyens”, dénonce-t-il. “À cette allure, les erreurs du passé sont en train de se reproduire, avec les mêmes conséquences.”
L’homme politique va plus loin. Il estime qu’un marché d’une telle envergure — portant sur un processus aussi sensible que le recensement électoral — aurait dû faire l’objet d’un appel d’offres international. Objectif : garantir la compétence du prestataire et préserver l’intégrité du processus.
“Ce n’est visiblement pas ce qui s’est passé”, tranche-t-il. “Et pourtant, le CNRD s’était engagé à lutter contre la gabegie financière et les détournements. Aujourd’hui, les actes qu’ils posent vont à l’encontre de ces engagements.”
Dans une critique cinglante, Dr Millimouno compare la situation actuelle à celle de la présidence précédente :
“En trois ans, les montants déclarés détournés sous la transition sont supérieurs à ceux recensés durant les onze années du président Alpha Condé. Cherchez l’erreur…”
Alors que les autorités se murent dans le silence, l’interrogation persiste : le processus d’acquisition de ces kits électoraux s’est-il déroulé dans les règles de l’art ? À mesure que la date des élections approche, la question devient de plus en plus brûlante.
L’intégralité de l’interview du président du Bloc Libéral sera publiée ce samedi 12 avril.
Amadou Diallo