La Guinée est un pays de paradoxes. D’un côté, on brandit une opération de « lutte contre la corruption », sur fond de « récupération des biens de l’Etat », avec la destruction frénétique d’habitations à la Cité ministérielle et à Camayenne, et de l’autre on assiste au procès de l’ancien ministre de l’urbanisme de l’habitat, Ibrahima Kourouma pour ne pas le nommer, pour une précédente campagne du même genre initiée sous le régime déchu d’Alpha Condé, sur les sites de Kaporo Rails, Dimesse et Kipé.
Si vous y comprenez quelque chose, aidez-nous, mais à notre niveau nous cherchons à comprendre qu’est-ce qui pourrait motiver un Etat censé protéger ses propres citoyens, leur garantir sécurité, logement et éducation, pour accepter de laisser abattre malheur et désolation sur des familles qui vivaient tranquillement leur vie quelque part, parfois depuis plus de 50 ans. Comme cadeau de nouvel an en plus, pour ne pas faire dans le cynisme !
La campagne précédente avait été interrompue quand à Conakry, Kankan et Nzérékoré, des voix s’étaient élevées pour demander des explications au sujet de cette opération dont l’impopularité se le dispute au… populisme.
Car durant tout le temps qu’on nous a bassiné avec des promesses creuses et un volontarisme qui, jusqu’à maintenant, ne donne aucun résultat probant (ou presque), sauf à voir émerger, environ an après les faits, une vingtaine de duplex inachevés à la « Cité ministérielle », là où, au bas mot, des dizaines de familles y construisaient leur vie (dans des villas moins cossues certes mais habitables !), on attend de comprendre la finalité réelle de la « stratégie » qui fonde cette histoire suscitant tant d’émoi.
Comble du paradoxe, au moment où dans le discours officiel, un accent particulier est mis – théoriquement – sur l’éducation, on se demande bien comment des milliers d’élèves, devenus des SDF (sans domicile fixe), dans leur propre pays, dans la ville où ils sont presque tous nés, vont pouvoir étudier sereinement cette année où on nous promet, grâce à la « géniale organisation » tirée d’un chapeau de magicien, de faire beaucoup mieux que ce qui est sorti des résultats catastrophiques des examens de l’année dernière.
Dans une ambiance aussi morose, on se demande bien qu’est-ce que des gamins ont pu faire pour mériter un sort aussi cruel. Qu’est-ce qui urgeait tant pour les déstabiliser eux et leurs familles en pleine année scolaire ? Comment pourront-ils faire pour rallier leur établissement scolaire, dans un contexte où, on l’imagine, les priorités des chefs de famille délogés se trouvent ailleurs ? On pourrait poser des questions à l’infini…
Quoi qu’il en soit, le simple fait de perdre de vue la responsabilité de l’Etat dans le bien-être de tous les citoyens qui, du reste, paient leurs impôts et leurs redevances déguisées, est un scandale qui devrait pousser les nouvelles autorités à revoir leur copie.
Ailleurs, pour une opération de déguerpissement, le gouvernement évalue d’abord l’urgence et la nécessité. Dans un second temps, il prend son temps pour aménager et ériger des habitations décentes dans une zone où les futurs déguerpis pourront continuer normalement leur vie. Une fois cette étape franchie, les écoles les marchés, les commodités (eau, électricité, voiries, etc) assurées, il peut servir aux familles concernées des mises en demeure les invitant à rejoindre les endroits aménagés.
Parce que penser que l’Etat ne devrait servir qu’à user de la force maquillée d’un vernis « légal » n’apporte aucune solution durable.
La Rédaction