Un conseil africain, bien avisé, suggère souvent de remuer la langue sept fois avant de s’exprimer en public, surtout quand il est question de parler de corruption.
Non pas que le locuteur, sans en avoir ni le talent ni l’expérience, ait été parachuté par hasard au sommet d’une fête où il n’aurait jamais imaginé se retrouver, même dans ses rêves les plus merveilleux, non pas qu’on ait du mal à faire la distinction entre le haut responsable – au rôle éminemment politique ! – et l’homme d’affaires qui traîne l’image de celui qui fait la pluie et le beau temps dans le secteur de l’assurance et tout récemment de la finance, mais pour des raisons beaucoup plus subtiles…
Au demeurant, il est beaucoup plus prudent, quand on a rien à dire, d’avoir la sagesse de se taire, pour ne pas passer sous les fourches caudines d’une opinion publique de plus en plus critique, qu’on ne peut plus duper par des tours de passe-passe ou des tournures de phrases aussi alambiquées que chaotiques, surtout quand le discours est analysé par les puristes.
Ainsi donc, des journalistes seraient à la solde de politiciens tapis dans l’ombre dont la spécialité serait de critiquer le président de la transition. Ainsi donc, les associations de presse devraient s’activer pour extirper de leurs rangs ces irrévérencieux qui, dans la logique de Bernard, se « vendent » au plus offrant, surtout que leurs « corrupteurs » sont marqués du sceau de l’avanie et du bannissement par ces temps qui courent…
On serait tenté de se demander comment un très haut responsable qui raisonne ainsi qualifierait ceux-là, parmi les pauvres « journalistes », qui tendraient la main de l’autre côté (eux aussi « politiciens » de fait !) pour dresser des couronnes de fleurs, faire dans l’emphase et verser dans les dithyrambes avec un zèle écœurant qui pourrait couvrir de honte le plus vil des saltimbanques ? D’ailleurs, les journalistes cibles de la critique du PM Gomou sont-ils les seuls à savoir user de la plume et du verbe pour rester sous la protection d’hommes publics puissants ou défroqués ? Quel est le sens réel de ce message officiel délivré le jour même de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse ?
Il est évident que les problèmes traversés par la presse sont d’abord et avant tout le reflet de la décadence des valeurs dans la société guinéenne où on peut jongler avec les principes et se tailler une éthique et une déontologie sur mesure, au gré de nos intérêts et de nos objectifs, même aux antipodes de l’esprit républicain. « Qui parle s’expose ! », a déjà écrit un des doyens les pertinents de la presse guinéenne.
Il reste cependant constant, sans excuser les mauvais grains (qu’ils soient journalistes ou autre !) qui tentent de manipuler le public au profit de leurs bailleurs ou « bienfaiteurs », que le jugement le plus sévère et le plus implacable demeure celui de l’histoire. Et cette histoire-là, tôt ou tard, se chargera de remettre chacun à sa place.
Oumar Camara