Subrepticement, sans trop réfléchir et donc sans en mesurer les effets désastreux sur le pays, son image, sa liberté et sur le bon fonctionnement d’une transition qui ferait mieux de reconnaître ses limites, quelqu’un, quelque part, a décidé de brider le débit d’internet en République de Guinée voire pire : la restriction de l’accès à certains sites web d’information perçus comme des poils à gratter.
De but en blanc, sans aucun avertissement, sans crier gare, et sans le moindre reproche sérieux que l’on pourrait brandir face à des journalistes – il est vrai de plus en plus pugnaces et de plus en plus curieux au goût des seuls Maîtres à bord après Dieu -, on décide de priver le public de son droit de savoir.
Même le Groupe Afric Vision (Sabari FM et Love FM) s’est retrouvé aphone, privé de ses émetteurs suite à une action musclée qui l’a dépouillé de son précieux matériel. A bien des égards, cela rappelle cette fameuse grande insigne de L’indépendant, arrachée de la même manière en 1999 et que le groupe de presse écrite, installé à l’époque en face du Jardin 2 Octobre, n’arrive plus à retrouver depuis lors…
Dans cette ambiance loufoque, le coupable tout désigné (jusqu’à preuve du contraire), un certain dirlo fraîchement haut perché à la tête d’une agence de régulation, s’il est avéré qu’il a pris un plaisir mesquin à jouer à ce petit jeu là, n’appréhende sans doute par tout l’enjeu d’une telle démarche liberticide.
Il pourrait avoir sans doute l’excuse de la jeunesse (et peut-être de l’ambition démesurée), mais on se demande bien comment le manipulateur des claviers et de la fibre optique fera quand il s’agira de justifier une démarche fondée sur aucune décision de justice, violant allégrement un droit aussi fondamental que la liberté d’expression dans un pays où même la Charte de la Transition consacre cet acquis inaliénable ? Que fera-t-il quand tous ces sites internet lui exigeront des réparations à la hauteur des dommages subis par la perte d’opportunités d’insertions publicitaires, de sponsors, etc, bref de ce qui permet aux dizaines d’employés, affectés par la situation, de nourrir leurs familles et vivre plus ou moins décemment ? Comment justifiera-t-il tout ça ? Une panne ? Ce serait comique…
Comme on le constate, quand on sait que la presse a la dent dure (elle peut même être impitoyable !), les conséquences de cette action irréfléchie pourraient aller bien au-delà des petits calculs d’un bleu qui tenterait de présenter une belle image aux galonnés…
Dans tous les pays ambitieux, le pouvoir politique, qu’il soit légal ou de fait, se nourrit de la critique pour améliorer sa gouvernance. Ceux qui hurlent « silence ! » ou « circulez, il n’y a rien à voir ! » devraient plutôt s’inspirer de cette maxime de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (Ndlr : le fameux Beaumarchais !) : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur« .
En tout état de cause, la presse, la vraie, pas celle des danseurs du ventre confondant journalisme et propagande, reste sereine face aux velléités éhontées de musellement et de nivellement par le bas. Et ceux qui agissent masqués, croyant tromper leur monde doivent le savoir : la presse guinéenne, qui en a vu d’autres, leur survivra.
Oumar Camara