Dans la soirée du mardi 23 Mai 2023, déclarée judicieusement « journée sans presse » en République de Guinée, les perturbations sur l’internet ont cessé comme par miracle, les réseaux sociaux rétablis, et les sites web d’information – dont l’accès avait été bloqué – à nouveau accessibles. Dans la foulée, deux des Groupes de presse ciblés (Djoma Médias et Groupe Fréquence Médias ou GFM), ont constaté l’arrêt du brouillage de leurs ondes.
Cette issue (in)attendue indique sans doute une première victoire pour la presse mais la vigilance doit rester de mise. Et pour cause ! Le Groupe de presse Afric Vision (Sabari FM et Love FM) n’a toujours par récupéré ses émetteurs dont l’opération qui a conduit à leur « disparition » reste jusqu’à l’heure un épais mystère.
Tout aussi grave, la convocation à la brigade des investigations de la gendarmerie du journaliste Habib Marouane Camara (Ndlr : selon le journaliste qui s’exprimait sur FIM FM) suite à une plainte d’un ex confrère qui n’aurait pas apprécié l’angle des enquêtes que le journaliste de Djoma Médias et du revelateur224.com a choisi pour écrire certains de ses articles.
Au regard de tous ces faits, ce serait naïf de croire que la presse, parce que des garanties verbales ont été données, n’est plus dans l’œil du cyclone agité dans l’ombre par les faucons d’une junte militaire qui lui avait pourtant promis la liberté.
Il est tout de même sidérant de constater que certaines figures du pouvoir actuel, comme le ministre des Postes, Télécommunications et de l’Economie numérique, également porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo (Ndlr : désigné « ennemi de la presse » par les associations de journalistes et les syndicats), ont cru qu’un discours musclé et des menaces à peine voilées contre les organes de presse étaient suffisants pour obliger les journalistes et autres faiseurs d’opinion à battre leur coulpe.
On était bien entendu très loin des moments d’euphorie ou des drones imaginaires lâchés dans le ciel étaient censés protéger les manifestants de l’opposition surexcités (pour « montrer les visages des assassins », disait-il), ou des propos hallucinants tenus devant le journaliste Boubacar Bah dit « Azooka » par le même responsable politique au sujet des « cibles » des bourreaux lors des manifestations ou encore à Paris où, celui qui ne savait pas qu’il allait passer quelques mois plus tard de l’autre côté de la barrière soutenait qu’il n’est « pas interdit de tuer un président »…
La presse aura tout vu et entendu ! Mais au-delà des opinions à géométrie variable, des plaintes sélectives, des manœuvres insidieuses et autres tentatives éhontées d’intimidation, l’ensemble des journalistes, techniciens, chroniqueurs, analystes politiques, éditorialistes, archivistes, distributeurs de journaux, imprimeurs, etc, dont la mission est d’informer le public, doivent comprendre que leur unique force réside dans l’union, la solidarité et bien entendu la responsabilité.
Rien ni personne ne doit diviser la corporation qui doit rester debout pour que les acquis démocratiques – dont la liberté d’expression qui protège celle de la presse – engrangés depuis tant d’années, au prix d’énormes sacrifices, ne soient pas jetés aux orties pour les beaux yeux d’un homme, encore moins de certains de ses proches dont la jouissance du pouvoir fait parfois perdre le sens des réalités.
Cela est d’autant plus révoltant que la liberté de la presse que les journalistes sont obligés de défendre avec tant de vigueur aujourd’hui est celle-là même qui les a fait « princes ».
Bref, tous ceux qui s’agitent négativement autour de la presse devraient comprendre que les journalistes n’accepteront jamais d’être les boucs émissaires ou les agneaux du sacrifice d’une gouvernance controversée, faisant le lit de critiques, moqueries et autres rumeurs, même les plus farfelues…
Au lieu de choisir des chemins sans issue, il n’est pas trop tard de favoriser sagement une atmosphère de respect mutuel, en écartant les hommes de pouvoir au profit d’hommes d’Etat. Parce qu’au finish, les journalistes n’ont qu’un seul ami : les faits.
Oumar Camara