Un policier irresponsable qui ouvre le feu et tue un gamin de 17 ans, suite à un « refus d’obtempérer » lors d’un banal contrôle routier, et c’est toute la France qui s’embrase. Depuis plusieurs jours, ce pays se retrouve plongé dans une spirale dangereuse qui questionne et met en lumière une réalité implacable : la mal-être de la jeunesse des banlieues.
Mais que s’est-il passé dans ce pays autoproclamé « nation des droits de l’homme » (Ndlr : il paraît que la fameuse Charte de Kouroukan Fouga a précédé de plusieurs siècles leur déclaration de 1887 !) ? Pourquoi un banal contrôle de police, qui aurait pu déboucher sur une simple amende et/ou un retrait de points de permis a fait monter autant d’adrénaline, suscité autant de colère, réveillé autant de frustrations, occasionné autant de pillages, d’incendies criminels et autres destructions délibérées de biens publics ? La France n’en revient toujours pas.
Et pourtant, tous les ingrédients sont là depuis des années, avec la banalisation du discours des extrémistes les plus vils. Et pourtant tout le monde voyait la longue traînée de poudre, avec des barils au bout, qui n’attendaient qu’une simple étincelle pour exploser, comme ce qui s’était passé en mars 1991 à Los Angeles, après le passage à tabac de Rodney King par des policiers racistes…
Plusieurs jours après le meurtre ignoble de Nahel, on entend toujours des commentateurs zélés occulter l’origine du problème: une violence policière inutile et totalement disproportionnée ! On préfère s’en prendre à une « jeunesse des banlieues » qui n’accepterait pas de vivre sous la bannière de la République. L’argument facile…
Certes, toute cette colère a été récupérée par des casseurs sans foi ni loi, de petits voyous souvent mineurs et encagoulés, qui ne cherchent que la bonne occasion pour voler, piller et détruire au passage des symboles de l’Etat français, comportement totalement inacceptable et qui d’ailleurs risque de renforcer le narratif de la partie la plus fasciste de l’ex Front National (FN) de Jean-Marie Lepen – devenu par un tour de passe-passe, Rassemblement national (RN) de Lepen fille et de son nouveau visage, Jordan Bardella.
Mais toute cette violence ne saurait s’expliquer si quelque part, le discours ouvertement xénophobe, voire raciste, qui pourrait avoir servi de motivation à cet idiot de policier pour commettre cet acte d’une stupidité effarante, n’avait pas été banalisé. Que ses collègues aient tenté de maquiller le crime commis par cet hors la loi en tenue est révélateur d’un certain état d’esprit…
Renforcer la sécurité dans les nombreuses villes touchées (dont Paris, Marseille, Montpellier, Tours, Mulhouse, etc) pourrait sans doute étouffer les émeutes et tout le monde prie pour que cette pagaille cesse le plus vite possible. Toute violence est absolument condamnable ! Croire cependant, que la solution pour réintégrer toute cette « racaille » (pour emprunter le mot fort d’un certain Sarkozy !) se résume à des jets de grenades lacrymogènes, à des coups de matraques et à des peines de prison, serait une très grave erreur.
Le mal-être qui étreint les banlieues françaises, surtout dans leurs parties essentiellement investies par des fils d’immigrés, va bien au-delà de la vision que la plupart des commentateurs dans l’Hexagone veulent imposer au monde.
Il devrait s’agir d’abord et avant tout de s’attaquer à la violence et de la condamner fermement, en commençant par ce discours dangereux qui fait de la stigmatisation et de la caricature des minorités un lieu commun. Parce qu’il sera beaucoup plus facile après de contrôler une certaine jeunesse qu’on qualifie de « nuisible ».
En définitive, il est parfois utile, après une cuite, de sombrer dans une terrible gueule de bois pour éviter de refaire les mêmes erreurs. Dans le cas français, la remise en cause de la partie malsaine des forces de l’ordre biberonnée aux discours aussi irresponsables qu’antirépublicains, serait déjà un bon début de solution…
Oumar Camara