Abdoul Hamid Diallo, témoin et victime des événements dramatiques du 28 septembre 2009 a fait un récit glaçant des meurtres et exactions commis ce jour-là, avec des détails nouveaux sur le déroulé et sur les conditions d’arrestation et de détention au camp Alpha Yaya puis à la base des services de lutte contre la drogue et le grand banditisme dirigés à l’époque par le colonel Moussa Tiegboro Camara.
Diallo a expliqué comment le groupe dans lequel il se trouvait s’est retrouvé au camp Alpha Yaya, dans les bureaux de l’anti-drogue tout en dénonçant les conditions de l’interrogatoire et de leur détention.
Le témoin a expliqué qu’au moins 54 personnes étaient entassées dans une seule pièce et comment il a dû ruser depuis le stade du 28 septembre (où il avait été interpelé) pour se faire passer pour un journaliste, un reflexe qui lui permis d’avoir la vie sauve.
« Au camp, après notre arrestation, on nous a amenés directement ver le QG (quartier général) du CNDD – Comité national pour la démocratie et le développement, nom de baptême de la junte militaire sous le capitaine Moussa Dadis Camara -. le comité d’accueil qui était là, munis de machettes et de couteaux, frappaient les gens à sang. (…) J’ai vu des vieillards battus à sang (…) Quand mon tour est arrivé, le militaire qui était là à qui j’ai dit que j’étais journaliste a pris peur et a demandé au chauffeur d’allumer la voiture et de nous envoyer du côté Yimbaya, chez le colonel Tiegboro », a expliqué Diallo.
Sur place, « ils (les gendarmes de Tiegboro) ont interrogé des personnes interpelées entièrement nues, j’ai vu un homme qui saignait par l’anus », a-t-il témoigné.
Auparavant, dans sont récit, Diallo a dit comment il a quitté son quartier Carrière à l’époque, vers 7h 30, pour se retrouver sur le chemin menant au grand stade de Dixinn, tout en confirmant l’utilisation de bus de la Sotragui (Société des transports de Guinée) pour convoyer des inconnus.
« J’ai aperçu un bus estampillé EP (Ndlr : Entreprise publique) de la Sotragui qui venait avec des passagers à bord. Ça m’a tiqué parce que je me suis dit comment est-ce qu’un bus des transports publics peut transporter du régime d’alors ? Le chauffeur est venu, les gens qui étaient à bord nous ont dit de monter, j’ai décliné… (…) A la Belle-Vue, il y a avait un groupement de bérets rouges qui tiraient. Ça a vraiment tiré mais on est passé… Au niveau de l’école primaire de Dixinn à côté de la pharmacie Manizé, colonel Tiegboro est apparu pour nous bloquer le passage (…) J’étais là, il (Tiegboro) a tenu des propos offensants envers les manifestants mais de discussions en discussions il a reculé. »
Par la suite, le témoin a également expliqué comment les événements se sont précipités, entre un véhicule « Mamba » qui les poursuivait et qui a failli le renverser, les tirs d’armes à feu (avec des « bérets rouges qui tiraient », « d’autres habillés en par-dessus avec des brassards rouges », précise-t-il), la course poursuite difficile à l’intérieur du stade, obligé qu’il était de chercher à s’échapper du piège mortel du stade du 28 septembre.
« J’ai vu des gens tomber. Je me suis dit alors là c’est sérieux (…) Vers la cour qui mène vers les rails (…) Il y avait une fille qui criait, le jeune d’une vingtaine d’année qui aidait les gens à sauter l’a pris par la main. Au moment où elle voulait monter (par-dessus le mur), il y a une balle qui l’a touchée et le sang a giclé sur nous », a déclaré Diallo, précisant avoir pu compter lui-même 6 corps.
Après Diallo, un autre témoin, Amadou Bah, qui a reçu une balle à la cuisse lors des mêmes événements, a fait sa déposition.
Alpha Amadou Diallo