Accueillis avec une extrême prudence au début d’un putsch qu’ils ont réalisé sur la pointe des pieds, les responsables de la junte militaire nigérienne continuent de retenir « en otage » le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum. En attendant, ils tentent, à petites doses, de renverser l’opinion publique.
Le but des dernières manœuvres est d’abord d’éviter le scénario de l’intervention militaire qui pourrait leur faire perdre toutes leurs billes dans un contexte où tous les pouvoirs ouest africains issus des urnes réalisent de plus en plus que les efforts fournis dans d’extrêmes difficultés pour construire d’impressionnantes infrastructures, éduquer leurs populations, et civiliser la vie politique, pourraient être compromis par les sautes d’humeur de n’importe quel soldat, surtout si la Communauté économique des états d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) tergiverse (encore) sur la nécessaire fermeté à afficher face aux hommes qui ont renversé Bazoum.
Au demeurant, et c’est de bonne guerre, l’option diplomatique reste maintenue pour convaincre des galonnés qui ne sont eux-mêmes pas convaincus par leurs arguments pour justifier leur action déclenchée dans ce pays sahélien, le 26 juillet 2023.
Dans une sorte d’élan solidaire, les putschistes nigériens pourraient théoriquement compter sur l’appui de leurs voisins qui gèrent des régimes militaires (Mali, Burkina Faso et peut-être Guinée), mais la réalité est toute autre.
En fait, les dirigeants actuels de tous les pays qui se sont mis en avant dans des déclarations tapageuses de soutien aux frères d’armes du général Mouhamadou Tchiani, sont bien conscients qu’au plan intérieur, ils font déjà face à des priorités beaucoup plus urgentes que d’aller faire le coup de feu désespéré du côté de Niamey…
Comme pour dissiper les doutes au sujet de la « détermination » putschiste, des images qui prêtent à sourire envahissent les réseaux sociaux dans une sorte de délire burlesque, comme si quelques pickups, quelques blindés d’époque surmontés de mitrailleuses pourraient faire le poids face à l’armada que pourrait déployer une vraie force de la CEDEAO, disposant d’équipements modernes, appuyée en coulisses par des puissances occidentales qui ne reconnaissent pas la « légitimité » de la junte militaire au Niger.
En vérité, au-delà des sanctions économiques et diplomatiques qui frappent durement le Niger et loin des scénarii catastrophes (on a même entendu parler de risques « d’internationalisation de la crise »), les réticences affichées par les Etats démocratiques de la sous-région s’expliquent par un seul nom : l’otage Bazoum, président démocratiquement élu et seul dépositaire de la légalité et de la légitimité dans ce pays stratégique dans la lutte contre les djihadistes.
L’argument des plus agités dans ce tragique méli-mélo, pour la plupart des néo nationalistes du dimanche, allergiques à la France mais prompts à tendre les bras à la Russie, montre bien que la réflexion n’est pas poussée très loin.
Il est évident, que dans une ambiance aussi ridicule, penser que les putschistes peuvent réussir là où 105 régimes militaires (sur 106) ont échoué lamentablement dans leurs objectifs, c’est perdre de vue que la règle pour ceux qui prennent le pouvoir par les armes est de laisser en chemin les déclarations de bonnes intentions…
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que dans le lot des pays les plus avancés de la CEDEAO, seuls les Etats véritablement démocratiques (Nigeria, Ghana, Côte d’ivoire, Sénégal, Bénin, Cap-Vert) tiennent le haut du pavé dans tous les domaines, en commençant par les infrastructures indispensables à leur progrès.
D’autres pays, en reconstruction, qui ont connu des putschs ou des guerres civiles (Guinée Bissau, Gambie, Sierra Leone, Liberia, Togo), suivent de près le lot en tête de peloton, laissant derrière ceux qui veulent continuer à entretenir les débats inutiles consistant à faire des plans sur la comète.
En fait, l’avenir de la sous-région ouest africaine est dans la démocratie et le respect des institutions élues : plus tôt, on l’intégrera, plus vite les citoyens réaliseront qu’aucune ambition personnelle, aucune rhétorique échafaudée pour justifier l’injustifiable, ne saura remplacer la réalité du désespoir d’un peuple comme celui du Niger. Un vrai gâchis !
Oumar Camara