La junte qui est venue abréger le troisième mandat d’Alpha Condé en 2021, par un coup d’État fortement imbibé d’hémoglobine, fête ses deux ans de règne ce 5 septembre. C’est le deuxième anniversaire d’une sorte de mariage contracté avec des Guinéens qui cherchaient désespérément un « libérateur » qui, à défaut de les mener vers la terre promise, les sortirait d’une situation jugée compromise, voire désastreuse.
Après deux ans de vie commune, on parle de « noces de coton », symbolisant la solidité et la douceur des liens tissés au cours des premières années. Mais dans ce cas-ci, les noces de coton sont plutôt marquées par la déception, la désillusion et l’incertitude. Au fil des ans, le rêve qui a suivi le coup d’État s’est estompé. La plupart des promesses se sont volatilisées telles des mots emportés par le vent. Les attentes des citoyens, semblables à des pétales de coton, se sont délicatement effritées, laissant derrière elles un sentiment amer.
Certains l’avaient prédit, d’autres avaient prévenu et mis en garde. Plus la transition se prolonge, plus les couacs et les déceptions s’accumulent, et le désenchantement finit par venir à bout des espoirs les plus fervents. « Le seul maître à bord après Dieu » et le CNRD, habitués à voir leurs désirs largement applaudis et exécutés au doigt et à l’œil, constatent avec dépit que les choses commencent à changer, que les vents prennent des directions non souhaitées. Comme c’est souvent le cas, ils ont bénéficié d’un état de grâce classique, mais tout indique que la suite ne sera pas une plaisanterie. À moins qu’elle ne soit vraiment de mauvais goût.
Doumbouya, encensé et porté en triomphe, célébré comme un sauveur (certains flagorneurs l’ont même comparé à un messie), commence à découvrir ce que signifie l’impopularité. Deux ans après sa parade triomphale à Bambéto, exhibant Alpha Condé comme un trophée de chasse, l’ancien caporal de la légion étrangère française semble ne plus être à la hauteur des espoirs qu’il avait suscités. Jusqu’à quel point sa cote va-t-elle dégringoler ?
Que reste-t-il des espoirs suscités le 5 septembre 2021 ? De la prestation de serment quelque peu surréaliste d’un président putschiste adoubé par une Cour suprême, même au prix d’une curieuse acrobatie juridique ? Quid des engagements et promesses des premiers jours ? De l’enthousiasme de ceux qui ont salué la chute d’un régime qu’ils abhorraient ? Du ralliement hâtif de la classe politique, notamment des opposants au pouvoir déchu ? De l’engouement des médias ? De cette période où les rares critiques formulées par quelques observateurs lucides étaient accueillies avec agacement par un : « laissez-le travailler » ? Et que dire à propos des petits coups de communication ?Comme la « prestation » de ce malabar des Forces spéciales pleurant comme une madeleine dans une nécropole de Bambéto. (où gisent de nombreux manifestants politiques tués), et qui a fait penser à des esprits crédules que c’était le signe de la fin des répressions sanglantes.
Le président du CNRD avait fondé tous ses discours sur le mérite, mais aujourd’hui, on voit tourner autour de lui des personnages troubles encombrés de casseroles, incarnant la tortuosité, la médiocrité et la réussite facile.
Deux ans de l’Etat-spectacle ! Le constat n’a rien de reluisant. Désordre en tous genres, morosité économique, panier de la ménagère et moral des Guinéens en berne, insécurité galopante pour le plus grand bonheur des coupe-jarrets et coupeurs de route, amateurisme et travail d’apprenti sorcier dans les hautes sphères de l’Etat, administration publique boiteuse où l’on a fait remplacer – ou ajouter – « copains et coquins » par « crétins et gredins » dont certains affublés de faux diplômes, réformettes populistes et actions de racolage politique alors que l’on a clamé n’être candidat à rien, activités dilatoires pour allonger indéfiniment la transition, création d’une nouvelle caste de parvenus tout droit sortie d’un torrent ininterrompu de décrets. Et dire que cette énumération est loin d’être exhaustive…
De la capitale aux hameaux les plus reculés, le doute gagne du terrain.
En attendant le terme des 24 mois censé marquer la fin de la transition et le retour à un régime démocratique, au-delà du doute, ils sont nombreux ceux qui appréhendent l’avenir en se posant cette question lancinante : comment et quand cela va-t-il finir ?
A Top Sylla