Outre les militaires de garde, le retour en Guinée du colonel Mamadi Doumbouya a été encadré une foule hystérique, mobilisée suite à un communiqué officiel appelant les fonctionnaires des départements ministériels à accueillir le chef de la junte militaire au pouvoir. On se frotterait les yeux pour le croire…
On est bien loin des idées défendues le 5 septembre 2021, quand « l’instrumentalisation de l’administration » était une des tares décriées par les auteurs du coup d’Etat qui a renversé l’ex-président Alpha Condé.
Dans un élan « populaire » aussi « spontané » que douteux, des centaines de personnes ont ainsi accompagné le cortège du colonel sur plusieurs kilomètres, scandant parfois des slogans plébiscitant son fameux discours jugé « panafricaniste » par ses partisans – lu lors de la 78ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Pour l’anecdote, le boss du CNRD y affirme que la démocratie à l’occidentale est un leurre pour tromper les Africains qui ne seraient plus « des enfants » et que, comme par miracle, les coups d’états militaires seraient venus rectifier les pratiques politiciennes des civils cherchant à se cramponner au pouvoir…
En vérité, on se demande pourquoi une telle activité pour tenter de (se) convaincre par le discours, mobiliser et exalter les foules, plus de 2 ans après un putsch qui voulait curieusement rompre avec les « habitudes du passé » : la junte militaire ayant fait des promesses, sans équivoque, au sujet de ceux qui pourraient participer aux futures élections.
L’autre curiosité, comme le soulignait un esprit taquin, est bien entendu la culture ancrée chez la plupart de nos compatriotes, fussent-ils estampillés « intellectuels » : « touréistes » sous Sékou Touré, « contéistes » sous Lansana Conté, et si on place entre parenthèses les gestions éphémères de Dadis et Konaté, « condéistes » sous Alpha Condé. Tout ce beau monde, accroché à un système qui agit comme une sorte d’hydre à multiples têtes, aurait-il (encore !) basculé du côté du colonel ? Allez savoir…
Il faudrait bien un jour sortir du folklore ambiant, travailler pour remettre nos idées à l’endroit afin de recouvrer notre sens des priorités et de l’orientation.
Parce qu’en définitive, derrière ces sourires hypocrites, ces hurlements aussi bruyants qu’intéressés et ces applaudissements frénétiques, apparait ce que le Guinéen a de plus sombre comme « héritage » issu des années de plomb : le populisme boucané, l’abandon de soi et le verbiage creux dans le but évident de maintenir sa position de privilégié ou se tailler, sans efforts conséquents, une place dorée au soleil.
Evidemment, si cela suffisait pour résoudre les vrais problèmes du pays on n’en serait pas encore là à recevoir notre (sur)dose de communication visuelle, de volte-face et de reniements, même s’il faut jeter les vestes.
Oumar Camara