Le célèbre journaliste politique et homme des médias Jean-Pierre Elkabbach est décédé à l’âge de 86 ans ce mardi 3 octobre 2023.
Célèbre journaliste politique et patron de médias, Jean-Pierre Elkabbach est décédé, a annoncé Paris Match ce mardi 3 octobre 2023. Une information confirmée par plusieurs médias dont franceinfo, Libération et BFMTV . L’Agence France-Presse a elle aussi confirmé dans la foulée, citant Canal + et Europe 1. Né le 29 septembre 1937, il part à l’âge de 86 ans.
Figure du journalisme politique
Grand intervieweur politique, le journaliste a traversé les générations, de ses débuts dans les années 1970 à son éviction de la matinale d’Europe 1 en 2017, après 35 ans d’antenne. Arafat, Gorbatchev, Mandela, Castro, Bill Clinton, George Bush, Vladimir Poutine… Connu pour ses grandes interviews politiques, il avait interrogé tous les grands dirigeants de ce monde.
Décrit comme un professionnel infatigable, le patron de radio et de télévision a parfois été raillé pour ses amitiés politiques supposées – de Valéry Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy puis François Hollande, note l’AFP.
Fin 2022, il avait publié Les rives de la mémoire où il revenait sur son enfance et ses nombreuses rencontres. « Ce livre n’est pas mon testament, mais je veux laisser une trace », disait-il. Dans un entretien à Ouest-France paru en février 2023, il revenait sur ce livre très personnel. Et sur son parcours, celui d’un jeune homme pauvre d’Oran devenu un puissant patron de chaîne. « J’ai accablé Oran de tous les maux, mais Oran a contribué à me faire. J’y ai connu les discriminations, l’injustice, la pauvreté », confiait-il alors. « Rien n’est insurmontable. »
Marié à la romancière Nicole Avril, Jean-Pierre Elkabbach est le père de l’actrice Emmanuelle Bach, qu’il a eue avec Holda Trinkle – dite Holda Fonteyn – en 1968.
Grande longévité
Jean-Pierre Elkabbach a étudié à l’Institut d’études politiques de Paris, il commence sa carrière comme correspondant de la RTF à Oran en Algérie, sa ville natale, avant d’être nommé à Paris en 1961. Il commence sa carrière dans les années 1960 à la télévision en France.
Dans les années 1970, il est sur Antenne 2 en duo avec Alain Duhamel à l’émission « Cartes sur tables ». Il entre à Europe 1 en 1981, et devient directeur d’antenne puis directeur général adjoint. En 1991, il revient à la télé, dans l’éphémère chaîne La Cinq puis à France 3, où il anime l’émission « Repères ».
Jean-Pierre Elkabbach avait quitté la station de radio en 1993 pour prendre la tête de France Télévisions et devenir président de France 2 et France 3, où il favorise l’ascension de nouveaux animateurs comme Jean-Luc Delarue, Arthur ou Nagui, avant de devoir quitter son poste en 1996 après le scandale des contrats de centaines de millions de francs attribués aux animateurs-producteurs stars. Il était alors revenu à Europe 1.
Il préside la chaîne Public Sénat depuis sa création en 2000 jusqu’en 2009, où il lance l’émission « Bibliothèque Médicis ». Jean-Pierre Elkabbach a occupé plusieurs postes de direction dans le groupe Lagardère, notamment celui de président d’Europe 1 de 2005 à 2008. Fin 2016, il avait été évincé de sa case quotidienne, avant de quitter la station et de devenir en 2017 conseiller de Vincent Bolloré.
En 2019, il avait repris ses entretiens politiques sur CNews, chaîne d’information en continue de Vincent Bolloré, dans une émission du dimanche intitulée « Sans détour ». Il était de retour à Europe 1 en 2021, cinq ans après son départ, après le rapprochement entre la radio et le milliardaire, pour mener les grands entretiens matinaux du week-end, avant d’arrêter pour se consacrer à l’écriture de son livre.
Interviews marquantes
En mai 1968, il est mis au placard de ce qui faisait encore partie de l’ORTF et allait devenir France Inter, pour avoir fustigé les « censeurs », avant de passer à la télévision en 1970, rappelle l’AFP. Il y présente le journal de la Une puis de la Deux. En 1974, à l’occasion de l’éclatement de l’ORTF, il est à nouveau écarté du petit écran. Il revient alors sur France Inter où son émission, « 13-14 », est un succès.
En janvier 1977, sa nomination à la tête de l’information d’Antenne 2 s’accompagne de plusieurs départs au sein de la rédaction. À la suite de la victoire de François Mitterrand en 1981, il est évincé de la chaîne publique en raison de ses attaches giscardiennes. « C’était une période où même ceux que j’avais aidés ou promus changeaient de trottoir quand ils me voyaient. J’étais atteint de mort sociale, je n’existais plus. J’ai connu l’ANPE », racontait-il en 2015.
Pourtant, au terme du second mandat de François Mitterrand, en 1993, il avait mené une longue série de conversations avec le président socialiste, très diminué par la maladie. Il tire de ce recueil de confidences une série documentaire intitulée « Conversations avec un président ».
Jean-Pierre Elkabbach était aussi connu pour certains échanges mythiques et pour ses punchlines. « Bonjour, vous n’avez pas honte ? » demandait-il en soupirant à Marine Le Pen. « Quelle couleur vous voulez pour le mur ? » proposait-il à André Vallini, interloqué, avant d’enchaîner : « Le mur sur lequel votre réforme territoriale va se fracasser ».
Toujours proche des cercles du pouvoir, accusé par certains de complaisance envers ses invités ou d’être donneur de leçons, Jean-Pierre Elkabbach a longtemps été un protégé de Jean-Luc Lagardère, puis de son fils Arnaud.
Pendant la campagne présidentielle de 2007, il est régulièrement pointé du doigt par « Les Guignols » de Canal + pour sa proximité supposée avec Nicolas Sarkozy. En 2008, sa radio annonce, sur ses indications, à tort, la mort de Pascal Sevran, la première grosse erreur de sa carrière, déclarera alors le journaliste.
Sa longévité à l’antenne avait fini par lasser une partie du public et avait conduit à son éviction en 2017 d’Europe 1. Jean-Pierre Elkabbach était aussi monté au créneau pour défendre CNews, attaquée notamment pour avoir offert une tribune au polémiste et candidat d’extrême droite à la présidentielle Éric Zemmour. Elle « donne la parole à tous », avait-il justifié.
« Je suis fier d’avoir souvent donné la parole à des inconnus et d’avoir traité des thèmes qui n’étaient pas encore repérés », livrait le journaliste dans son entretien à Ouest-France en début d’année.
« Inépuisable »
« Je perds un ami. La France, un journaliste brillant. Canalplusgroupe est triste ce soir », a écrit sur X (ex-Twitter) le directeur général du groupe Canal +, Gérald Brice-Viret.
Alain Duhamel a rendu hommage à son ancien confrère sur le plateau de BFMTV. « C’était le meilleur intervieweur que l’on ait eu », a déclaré l’éditorialiste politique. « Il était inépuisable. »
Delphine Ernotte a salué à la mémoire de celui qui fut avant elle patron de France Télévisions. « Il aura raconté la politique et le siècle comme personne et amené le débat public dans tous les foyers », a-t-elle affirmé. « Une immense voix de la radio et de la télévision s’est éteinte ce soir [qui] a informé avec passion plusieurs générations de Français », a réagi Sibyle Veil, PDG de Radio France.
Côté politique, le leader communiste Fabien Roussel a salué un « compagnon de route de la Ve République, [qui] aura marqué l’histoire médiatique de notre pays ».
(Source : Ouest France)