C’est un échec et un aveu de faiblesse de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), estiment certains analystes. Paul-Simon Handy, directeur du bureau régional Afrique de l’Est de l’Institut d’études de sécurité, affirme au contraire que la Cédéao a fait preuve de pragmatisme en levant les sanctions à l’encontre du Niger, du Mali et de la Guinée, et que la balle est désormais dans le camp des militaires au pouvoir dans ces pays. Entretien.
RFI: Paul-Simon Handy, considérez-vous comme d’autres analystes que les décisions prises par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sont un aveu de faiblesse ?
Paul-Simon Handy : C’est une réaction de sagesse, pragmatique, qui ouvre la voie à de plus franches négociations. Il y a de nombreuses personnalités qui commençaient à demander à la Cédéao de le faire, de ne pas adopter la même stratégie de bras de fer que les juntes militaires semblent apprécier. On verra, maintenant que la balle est dans le camp des juntes, si leurs leaders sont prêts à discuter.
À mon avis, ils ont beaucoup tapé sur l’instance. Certains se sont permis de dire que la décision était irréversible, ce qui fait preuve d’ailleurs d’une certaine naïveté politique. Parce qu’en politique, rien n’est impossible. On ne peut exclure aucune option en politique. Donc, en effet, la balle est dans leur camp et ils devront faire preuve d’un pragmatisme à peu près égal à celui que la Cédéao vient de démontrer.
La Cédéao ne peut-elle pas exister sans ces juntes militaires, à la fois géographiquement et économiquement ?
La Cédéao ne le veut pas ! Ce n’est pas un scénario qui avait été prévu. Mais il est clair qu’elle peut exister. Mais la question qu’il faudrait se poser, c’est : ces trois pays peuvent-ils vraiment exister au sein de l’Alliance des États du Sahel qu’ils ont créé ? Une alliance par dépit, qui n’a pas de projet politique véritable, qui est une réaction un peu effarouchée à ce qu’ils considèrent être, à tort, à mon avis, une injustice de la part de la Cédéao.
Quelle est la suite pour la Cédéao et ces juntes militaires. Doivent-elles reprendre un dialogue ?
Elles se retrouvent dans une situation où les deux parties ont tout intérêt à se retrouver autour de la table : il y a un médiateur désigné par la Cédéao, le président Faure Gnassingbé, du Togo. Je pense que, maintenant, la médiation togolaise devrait redoubler d’efforts, trouver des options acceptables par les deux.
Si la Cédéao doit se reconstruire, ça ne peut certainement pas être au prix de la célébration de coups d’État militaires. Mais, ceci dit, il ne faudrait pas se cantonner à ne condamner que les coups d’État militaires. Une des grandes faiblesses des dispositifs et des instruments de la Cédéao a consisté à ne pointer du doigt que les prises du pouvoir par les militaires, mais pas les manipulations de Constitution, c’est-à-dire les coups d’État constitutionnel.
Source: Rfi