Dans une démarche visant à requalifier les faits poursuivis dans les événements tragiques du 28 septembre 2009 en crime contre l’humanité, notre équipe s’est entretenue avec un expert juridique ce mercredi. El Hadj Mohamed Kounta, éminent juriste, souligne que cette demande émanant du parquet du Dixinn n’entravera en rien la procédure, mais suscite néanmoins des interrogations quant à son opportunité.
« Alors que nous nous dirigions vers une confrontation, le ministère public a brusquement demandé à intervenir pour requérir la requalification des faits poursuivis dans l’ordonnance de renvoi en crime contre l’humanité. Cette requête survient plus d’un an après l’ouverture du procès des événements du 28 septembre 2009, soulevant ainsi la question de la légalité de juger les accusés sur la base de cette qualification, en considération de l’obstacle de la rétroactivité », explique El Hadj Mohamed Kounta, docteur en droit.
Le juriste dissipe les doutes en soulignant que « cette infraction de crime contre l’humanité peut être invoquée au cours des débats pour la simple raison qu’elle est considérée comme un crime universel. Le statut de Rome prévoit les textes réprimant ces crimes, qui ont été intégrés tels quels dans notre code pénal. Ainsi, il ne s’agit pas de créer une nouvelle infraction, mais simplement de reconnaître celle qui préexistait. »
Quant à la perspective d’un débat renouvelé si le tribunal criminel de Dixinn accède à la demande du parquet, le juriste se veut rassurant. Cependant, il s’interroge sur l’opportunité de cette demande du procureur de la République. « Le droit pénal est rigoureux, sérieux et clair. Je me questionne sur la pertinence de cette demande de requalification », affirme-t-il.
Reconnaissant que la Guinée n’avait jamais été confrontée à un crime de cette ampleur, l’avocat reconnaît que le jugement de ces crimes contre l’humanité revêt un caractère particulier dans le pays. Cependant, il fait remarquer que d’autres nations africaines, telles que le Burundi et le Rwanda, ainsi que des individus accusés de génocide réfugiés en Europe, ont été poursuivis et jugés pour des crimes contre l’humanité.
Les conclusions de la défense et de la partie civile sont attendues lundi devant le tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la cour d’appel de Conakry. Le juge Ibrahima Sory II Tounkara devra alors décider s’il accède à la demande de requalification ou s’il rejette cette option pour passer à une autre étape du procès.
Aziz Camara