La crise persistante dans le système éducatif guinéen se cristallise autour d’une problématique épineuse : la pénurie chronique d’enseignants. Malgré les efforts déployés par les autorités, notamment le recrutement massif de 25 000 enseignants entre 2011 et 2018, les chiffres actuels ne mentent pas : le besoin demeure criant.
En 2019, le Ministère de l’Éducation nationale a lancé un signal d’alarme, révélant un déficit abyssal de 19 492 enseignants. Cette situation est exacerbée par la disparition de nombreux enseignants nouvellement recrutés, désormais absorbés par d’autres sphères ministérielles. Un nombre significatif d’enseignants limogés demeurent également en marge du système éducatif, malgré leur maintien dans les effectifs théoriques.
Les raisons de cette crise sont multiples. D’une part, le déplacement massif des enseignants du primaire vers le secondaire a créé un déséquilibre pernicieux. D’autre part, les disparités flagrantes entre les ratios élèves/enseignants dans les zones urbaines et rurales persistent, amplifiant ainsi le déficit éducatif.
À cela s’ajoute le sous-emploi alarmant d’enseignants dans certaines matières et le détournement de personnel qualifié de sa vocation première, venant aggraver une situation déjà précaire.
Face à cette crise, des mesures drastiques s’imposent. Il est impératif de rationaliser l’utilisation des ressources humaines en identifiant les excédents et les déficits, puis en répartissant équitablement les enseignants selon les besoins éducatifs prioritaires. Une politique de formation de qualité doit également être instaurée pour pallier à long terme cette carence en enseignants compétents.
La gestion de ce redéploiement massif exige des actions concrètes. La clarification des enjeux, la sensibilisation des parties prenantes et l’évaluation minutieuse des enseignants sont des étapes incontournables. Des normes strictes en matière de dotation en personnel doivent être établies pour garantir une gestion efficace des ressources humaines.
Sur le plan social, des mesures d’accompagnement sont nécessaires pour atténuer les conséquences néfastes de ce redéploiement sur les enseignants concernés. La revalorisation de la fonction enseignante et le maintien des avantages annexes sont des leviers essentiels dans cette optique.
L’engagement des autorités politiques est vital. Leur soutien aux cadres chargés de mettre en œuvre ce plan de redéploiement est crucial. Des missions de sensibilisation au changement doivent être dépêchées sur le terrain pour étudier les situations individuelles, galvaniser les enseignants et sensibiliser les autorités administratives et scolaires sur les enjeux majeurs de cette réorganisation pour le système éducatif dans son ensemble.
( Par Michel Pépé Balamou , enseignant et syndicaliste)