L’Aïd el-Kebir, la plus grande fête de l’islam, sera célébrée ces 16 et 17 juin 2024 dans les pays musulmans et partout dans le monde. Appelée Tabaski en Afrique de l’Ouest et notamment au Mali, au Sénégal ou en Guinée où plus de 85% de la population est musulmane, cette fête est habituellement célébrée dans le faste. Mais, comme souvent à cette occasion, les revenus sont en baisse et les dépenses pour célébrer la Tabaski pèsent sur les ménages. Explications.
Au Mali, l’effervescence autour de la Tabaski est moindre, du fait des délestages quotidiens qui ont entrainé la fermeture de nombreuses entreprises. Travailleur dans une organisation de défense des droits humains, Aly Bocoum, fait partie des privilégiés avec un salaire qui tombe tous les mois. Mais, cette année plus que les autres, son maître-mot a été l’anticipation. Il a en effet étalé son budget de plus de 500 euros sur plusieurs mois pour contribuer aux frais d’une dizaine de membres de sa famille.
« Pour la fête de Tabaski, approximativement, j’ai dépensé environ 350 à 400 000 Francs CFA [533 à 610 euros environ, NDLR] pour les habits, de la famille et des enfants. Pour l’achat du bélier, en général, j’anticipe comme j’ai les parents au village. Là-bas, c’est plus facile pour l’entretien et tout. J’ai acheté le bélier il y a 6 mois à peu près 50 000 [76 euros, NDLR]. Comparé à ce que je vois à Bamako, ce bélier, pour l’avoir, il faut débourser au moins 100 000 FCFA [152 euros] ».
Un prix très important au regard du niveau de vie dans le pays. Mais, pour les fidèles qui en ont les moyens, il est recommandé d’immoler un mouton pour commémorer la dévotion du prophète Abraham qui aurait dû sacrifier son fils avant que celui-ci ne soit remplacé par un bélier par l’ange Gabriel, selon la religion musulmane.
« Pour la préparation de cette fête, on risque de ne pas pouvoir s’en sortir avec son simple revenu »
En Guinée, un mouton se vend aujourd’hui à 200 euros, une somme supérieure au salaire de certains fonctionnaires, selon l’économiste Safayiou Diallo. Cette charge est donc difficile à supporter pour de nombreux Guinéens. « Lorsque tu regardes tout ce qu’il faut pour faire face pour la préparation de cette fête, on risque de ne pas pouvoir s’en sortir avec son simple revenu, déplore-t-il. C’est ce qui fait que certains ont recours à l’endettement auprès des amis, de la famille ou auprès du système bancaire pour essayer d’acheter les habits de fêtes pour les enfants et tout ce qui s’en suit ».
Au Sénégal, les prix des denrées sur les marchés sont très élevés. Pour Momar Ndao, président de l’association des consommateurs du pays, cette inflation est due à l’élection présidentielle et au changement dans l’administration : « Quand il y a un changement de régime, il y a un attentisme. Les hommes d’affaires attendent de voir vers quelle direction va aller le nouveau gouvernement. Et, comme le nouveau gouvernement a promis des baisses de prix, certains anticipent en les augmentant pour que, si jamais il y a une baisse, ils restent toujours dans des proportions de gains très élevées. »
Au-delà du mouton, des vêtements et des cadeaux pour les enfants et des dépenses, l’essence de la Tabaski est surtout spirituelle. Sofia Cissé vit à Dakar. Partager avec les plus nécessiteux est une tradition pour elle. « Si on a fait des économies pendant une année, il y a aussi une somme à défalquer pour donner au plus démunis, souligne-t-elle. Et même pour la Tabaski, quand on a coupé le mouton, ce n’est pas à nous de le manger tout seul. Il faut aussi essayer de voir le voisin qui serait démuni et lui donner aussi des parts du mouton ».
Source: Rfi