Lors d’un événement parallèle au Sommet de l’Avenir, organisé conjointement par le Canada et la Zambie, la ministre guinéenne de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables, Charlotte Daffé, a dressé un bilan alarmant sur les défis de l’éradication du mariage précoce en Guinée. Tout en saluant les progrès accomplis, elle a insisté sur les efforts à poursuivre pour mettre fin à cette pratique.
Près de la moitié des filles guinéennes sont encore mariées avant l’âge de 18 ans, selon les dernières statistiques. Un chiffre préoccupant qui freine la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), notamment l’élimination du mariage des enfants d’ici 2030. La ministre a réaffirmé la détermination du gouvernement à lutter contre cette crise, affirmant que « l’avenir de la Guinée dépend de la protection de ses enfants et du respect de leurs droits. »
Progrès législatifs et objectifs ambitieux
Charlotte Daffé a rappelé les avancées législatives majeures de ces dernières années. En 2019, le Parlement guinéen a adopté le Code de l’Enfant, une loi clé pour la protection des mineurs. Elle a précisé que les textes d’application étaient en cours d’adoption et que la révision de la Constitution, en cours d’élaboration, consacrerait l’interdiction explicite du mariage des enfants, notamment à travers l’article 25.
L’ambition du gouvernement est claire : réduire de 20 points le taux de mariages précoces d’ici 2030, passant ainsi de 46 % à 26 %. « Cet objectif est le reflet de notre volonté d’accélérer la lutte contre cette pratique, mais cela exige des ressources financières et un engagement collectif, tant à l’échelle nationale qu’internationale », a souligné la ministre.
Un programme dédié à la protection de l’enfance sera inscrit dans le Budget des Investissements publics à partir de 2025. Ce plan mettra l’accent sur la prise en charge des enfants vulnérables et le développement de politiques intégrées pour garantir leur protection.
Défis persistants et recommandations
Malgré les progrès réalisés, Charlotte Daffé a insisté sur les nombreux obstacles qui freinent l’éradication du mariage précoce en Guinée. Elle a notamment pointé la lente mobilisation des fonds nécessaires à la mise en œuvre du plan stratégique national.
Elle a également dénoncé la persistance des normes et croyances sociales qui résistent aux changements législatifs. « Il existe un décalage important entre les avancées juridiques et la réalité sur le terrain », a-t-elle regretté, ajoutant que l’absence de données récentes sur le mariage des enfants, les dernières remontant à 2018, limite l’efficacité des actions. La ministre a donc appelé à un renforcement des mécanismes de collecte de données.
Pour faire face à ces défis, la ministre a proposé plusieurs pistes. Elle a notamment recommandé la création d’un mécanisme de financement conjoint afin de mobiliser rapidement les fonds nécessaires en associant partenaires internationaux et acteurs locaux. Enfin, elle a plaidé pour un renforcement de la coordination à travers le déploiement d’outils technologiques comme l’application CPIMS+PRIMERO et la plateforme “Alerte VBG Guinée”, qui permettraient d’améliorer la collecte et l’analyse des données sur les violences basées sur le genre et le mariage des enfants.
Conclusion
Charlotte Daffé a conclu son intervention en rappelant que la lutte contre le mariage précoce en Guinée est un enjeu crucial pour l’avenir des enfants du pays. Si des progrès ont été réalisés, beaucoup reste à faire pour protéger les générations futures et garantir un avenir où chaque enfant peut jouir pleinement de ses droits.
Saliou Keita