La poussière volait dans l’air brûlant, soulevée par les pas pressés de centaines d’habitants accourant vers la grande place. En ce samedi historique, Koundara retenait son souffle : pour la première fois, un Premier ministre en exercice, Bah Oury, était là, au milieu d’eux.
Chemise claire, regard vif, micro en main, Bah Oury fend la foule dense sous un soleil de plomb. Partout, des saluts, des sourires, des cris d’encouragement. Il s’arrête, échange quelques mots avec une vieille dame au visage buriné par les années, serre la main d’un jeune écolier au regard brillant. Puis, montant sur l’estrade improvisée, il s’adresse à la foule.
« Je suis venu vous écouter, comprendre vos réalités, et surtout vous dire que vous êtes tous, sans exception, des enfants de la Guinée ! », lance-t-il d’une voix forte, couvrant le brouhaha ambiant.
L’assistance retient son souffle. Ici, à Koundara, où les frontières effacent parfois les identités, les mots du Premier ministre résonnent comme une reconnaissance longtemps attendue.
Son message est clair : se faire recenser, obtenir ses papiers, c’est affirmer son appartenance.
« Celui qui a ses documents officiels est reconnu pleinement comme citoyen », martèle-t-il, balayant la foule du regard, comme pour s’assurer que chacun saisisse l’importance de l’enjeu.
Dans un geste spontané, une femme au pagne coloré lève le bras, brandissant son acte de naissance. Sourire en coin, Bah Oury lui adresse un clin d’œil complice avant de poursuivre, plus grave :
« Ce ne sont pas seulement les Diallo, Camara, Sow, Sylla ou Bangoura qui font la Guinée. Notre force, c’est notre diversité. Ne laissons pas l’ignorance nous diviser. »
À chaque phrase, des acclamations jaillissent. Sous l’ombrage maigre de quelques arbres, les jeunes tambourinent sur des bidons, improvisant des rythmes de fête. Le Premier ministre savoure cet instant. Il parle de « refondation », de « transition », mais ses mots, au-delà de la politique, touchent l’orgueil blessé d’une région souvent marginalisée.
La rencontre s’achève dans un tonnerre d’applaudissements. Des enfants courent derrière son cortège, des femmes entonnent des chants traditionnels. Bah Oury, visiblement ému, descend de la scène, traversant à nouveau la marée humaine qui le salue comme l’un des leurs.
Avant de quitter la place, il se retourne une dernière fois, esquisse un sourire et lance d’une voix ferme :
« Je ne regrette pas d’être venu à Koundara. Aujourd’hui, plus que jamais, je crois en l’avenir de notre pays. »
Koundara, envoyé spécial –Abdoul Chaolis Diallo