À Conakry, le fracas des bulldozers résonne comme un avertissement. Les débarcadères informels, perçus comme des foyers de criminalité, ont été démantelés dans une opération coup de poing menée par les autorités guinéennes. La mesure, radicale et controversée, divise l’opinion publique.
Un mal nécessaire ?
Il faut dire que l’insécurité rampante dans la capitale guinéenne ne laissait plus de place à l’inaction. Trafics de drogue, prostitution, vols : ces zones côtières avaient mauvaise réputation. Pour le procureur général Fallou Doumbouya, la décision était inévitable. « Nous avons recensé 440 zones criminogènes dans le grand Conakry », a-t-il révélé, insistant sur l’urgence d’une réponse coordonnée.
Derrière cette opération, un message clair : l’État veut reprendre le contrôle. Le démantèlement des débarcadères apparaît comme un symbole de fermeté face à l’anarchie urbaine. Mais la fermeté suffit-elle à régler des problèmes profondément enracinés dans la misère et l’absence de régulation ?
Des victimes collatérales
Sous les débris des cabanes démolies, ce sont des vies entières qui se retrouvent broyées. Parmi les expulsés, de nombreuses familles originaires de la Sierra Leone. Que vont-elles devenir ? Le commissaire divisionnaire Sanoh Abdoulaye se veut pragmatique : « La police de l’air et des frontières sélectionnera les étrangers en situation irrégulière pour rapatriement. Les autres seront déférés devant les tribunaux. »
Une réponse administrative face à une tragédie humaine. Si certains applaudissent cette reprise en main, d’autres dénoncent une gestion brutale et déshumanisée.
Maintenir le cap ou changer de cap ?
Le véritable défi commence maintenant. Détruire des lieux est une chose ; empêcher leur réapparition en est une autre. Les autorités promettent de redoubler d’efforts pour éviter un retour des activités illicites. Mais sans politique sociale d’accompagnement, l’opération pourrait n’être qu’un coup d’épée dans l’eau.
Conakry a choisi la manière forte. Reste à savoir si cette démonstration de pouvoir aura un effet durable ou si elle rejoindra la longue liste des mesures spectaculaires, vite oubliées dans le tourbillon des urgences sécuritaires. En attendant, la mer continue de battre la côte, indifférente aux drames humains qui s’y jouent.
Sibé Fofana