Le stade du 03 Avril de N’Zérékoré s’est transformé, le dimanche 1er décembre, en un champ de désolation. Une finale de football, censée incarner la communion et la fête, s’est soldée par un bilan tragique : 56 morts, de nombreux blessés graves, et des dégâts matériels importants. Une tragédie nationale qui met à nu des failles profondes et pose des questions pressantes sur nos priorités en tant que nation.
Aboubacar Sylla, figure bien connue du paysage politique guinéen, n’a pas mâché ses mots. « Une organisation inopportune et scandaleuse », a-t-il dénoncé, pointant également du doigt un dispositif de sécurité visiblement inadéquat pour un événement d’une telle envergure. Mais c’est surtout « l’usage disproportionné de la force publique » qui suscite sa colère, révélateur, selon lui, d’un État trop souvent prompt à répondre par la répression là où le dialogue et la prévention devraient primer.
Le contexte national ne peut être ignoré. Alors que la Guinée traverse une crise sociopolitique et économique sans précédent, cet événement tragique agit comme un révélateur des priorités mal orientées. Organiser un tournoi de football portant le nom du chef de l’État, Général Mamadi Doumbouya, en pleine impasse politique, relève pour Aboubacar Sylla d’une « démagogie » inopportune. Le moment est-il vraiment à la célébration lorsque l’ordre constitutionnel reste suspendu et que les libertés fondamentales vacillent ?
Au-delà des déclarations et des condoléances – qu’Aboubacar Sylla a présentées avec une sincérité émue aux familles des victimes – cette tragédie appelle des actes. Une enquête approfondie pour faire la lumière sur les circonstances du drame est indispensable. Mais plus encore, ce drame doit être le point de départ d’une refonte totale de la gestion des grands événements en Guinée.
La sécurité publique n’est pas une variable d’ajustement. Elle est un pilier fondamental de la confiance entre les citoyens et l’État. Cet équilibre, aujourd’hui ébranlé, doit être restauré de toute urgence. Il appartient désormais aux autorités d’assumer leurs responsabilités, de tirer « toutes les conséquences de droit », comme l’a souligné M. Sylla, et de montrer qu’elles sont à la hauteur des attentes d’un peuple endeuillé et en quête de justice.
Ce drame n’est pas qu’un simple fait divers tragiques. Il est une alerte. Une invitation, brutale mais nécessaire, à repenser les priorités nationales et à placer l’intérêt des citoyens au cœur de toute action publique. Faute de quoi, d’autres stades, d’autres foules, d’autres vies pourraient à leur tour payer le prix de nos échecs collectifs.
Algassimou L Diallo