Le 15 septembre 2024, à Labé, lors du lancement du tournoi « Trophée Général Mamadi Doumbouya », le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kéamou Bogola Haba, a prononcé des mots qui résonnent encore dans l’opinion publique. « Ceux qui refuseront d’y participer n’auront d’autre choix que de quitter la Guinée », a-t-il déclaré, évoquant le programme Simandou 2040. Un avertissement qui, sous couvert de fermeté, s’apparente à une menace voilée pour ceux qui ne marcheraient pas dans les pas du pouvoir actuel.
Ces propos, loin de passer inaperçus, ont suscité une levée de boucliers, notamment du côté du RPG Arc-en-ciel, ancien parti au pouvoir. Le 21 septembre, lors de l’assemblée générale de la formation politique, Marc Yombouno, ancien ministre du Commerce, n’a pas caché son indignation. « Ce genre de discours est très préoccupant », a-t-il martelé. Et il n’a pas tort. Car au-delà du simple désaccord politique, c’est bien l’idée même d’une Guinée plurielle, où chacun aurait le droit de s’exprimer, qui est mise en péril par de telles déclarations.
Comment un membre du gouvernement peut-il affirmer sans sourciller qu’une partie de la population pourrait être invitée à « quitter le pays » pour avoir osé ne pas souscrire à une politique publique ? Cette rhétorique, qui rappelle les heures sombres de l’exclusion et de la division, n’a pas sa place dans une République qui se veut inclusive et démocratique. N’oublions pas que l’essence même de la démocratie repose sur la diversité des opinions, le respect de l’autre et la capacité à dialoguer malgré les divergences.
En tenant ces propos, Bogola Haba ne fait que renforcer les tensions au sein d’une société déjà fragilisée par des années de crises politiques. Dans un contexte où l’équilibre national est plus que jamais précaire, où les échéances politiques à venir seront cruciales pour l’avenir du pays, il est irresponsable de jouer ainsi avec le feu. La Guinée a besoin de rassembler, pas de diviser. Elle a besoin de construire un avenir où chaque citoyen, quel que soit son âge, son origine ou son opinion, se sentira chez lui et respecté.
Marc Yombouno a justement rappelé que la démocratie guinéenne ne peut s’épanouir sans l’inclusion de toutes ses composantes. Oui, la jeunesse est un acteur majeur du développement, mais elle ne peut avancer sans la sagesse des anciens, sans le concours des leaders religieux, sans l’apport de tous les citoyens. L’exclusion, quelle que soit sa forme, est un poison pour la paix sociale.
L’urgence est là. Il est temps que nos sages, nos guides religieux et tous les acteurs de la société civile se lèvent pour rappeler aux autorités que gouverner, c’est avant tout écouter, dialoguer et respecter. La Guinée a traversé des épreuves difficiles, elle n’a pas besoin de nouvelles fractures. Au contraire, c’est d’unité et de cohésion qu’elle a soif. Ne laissons pas les discours incendiaires d’aujourd’hui hypothéquer l’avenir de demain.
En définitive, il revient à ceux qui détiennent le pouvoir de comprendre que la force d’une nation réside dans sa diversité. La Guinée ne peut avancer qu’ensemble, avec ses différences et ses contradictions. Faute de quoi, c’est l’idée même de nation qui risque de s’effondrer.
Alpha Amadou Diallo