En Guinée, pays dirigé par une junte militaire depuis plus de trois ans, l’impatience grandit parmi les citoyens et la classe politique. L’attente d’élections, maintes fois promises, ne cesse de s’allonger, semant le doute sur les intentions véritables du Général Mamadi Doumbouya. La dernière annonce du gouvernement, faite à la surprise générale par le ministre des Affaires étrangères, Dr Morissanda Kouyaté, a jeté de l’huile sur le feu : toutes les élections auront lieu en 2025.
À la veille de la 79e Assemblée générale des Nations Unies à New York, cette déclaration inattendue a suscité l’indignation. Dr Kouyaté, chargé de représenter le pays à l’étranger, a, selon de nombreux observateurs, outrepassé son rôle en annonçant une décision cruciale concernant l’avenir politique interne de la Guinée. Parmi les plus virulents à réagir, le président de l’ADC/BOC, Dr Ibrahima Sory Diallo, n’a pas caché son amertume lors d’une interview accordée à notre rédaction.
« Ce n’est pas à un ministre des Affaires étrangères de parler d’élections nationales. Sa mission est de défendre les intérêts de la Guinée à l’extérieur, non de se substituer au ministère en charge des affaires électorales », s’est-il insurgé. Pour lui, la question électorale, déjà complexe, ne saurait être traitée à la légère. Plusieurs obstacles majeurs restent en suspens : l’adoption d’une nouvelle constitution, la révision du fichier électoral, et la relance d’un dialogue politique aujourd’hui au point mort.
Le constat est amer. Dr Diallo pointe également du doigt l’immobilisme du Premier ministre. Celui qui devrait être garant du dialogue national semble, selon lui, étrangement absent des débats. « Huit mois se sont écoulés, et aucune avancée significative n’a été réalisée », déplore-t-il, tout en reconnaissant que le président du Conseil National de Transition (CNT), Dr Dansa Kourouma, a pris l’initiative de consulter divers acteurs sur la nouvelle constitution. Mais pour Diallo, le processus reste insuffisant : « Oui, 75 % du contenu est satisfaisant, mais le peuple doit encore se prononcer sur l’essentiel ».
Au-delà de la forme, c’est aussi le fond qui est remis en cause. Dr Diallo estime que des décisions aussi cruciales doivent provenir du Conseil des ministres ou, mieux encore, du président de la République. « On ne peut pas laisser un ministre des Affaires étrangères annoncer des élections sur une scène internationale sans qu’il y ait eu une communication officielle préalable », fustige-t-il, dénonçant une gestion improvisée du processus de transition qui met en péril la crédibilité des autorités actuelles.
Cette déclaration maladroite résonne comme un nouveau faux pas dans une transition politique déjà jugée trop lente et opaque. Les mois à venir seront déterminants pour savoir si la Guinée parviendra à restaurer la confiance de ses citoyens, ou si les espoirs d’une sortie de crise démocratique s’éloigneront encore un peu plus.
À suivre…
Ousmane Sibé Fofana