A Conakry, la saga judiciaire entourant l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana prend une nouvelle tournure. Poursuivi pour détournement de deniers publics, enrichissement illicite et corruption, Fofana avait été hospitalisé peu après son arrestation en avril 2022. Ses avocats plaident depuis pour une évacuation sanitaire à l’étranger, arguant que son état de santé le rend incapable de comparaître devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief).
Le mois dernier, la Crief avait initialement autorisé le transfert de Fofana à l’Hôpital Américain de Paris. Cependant, cette décision a été annulée suite à la récusation du juge ayant pris cette décision, une mesure qui a provoqué la colère de l’avocat de l’ancien Premier ministre, Maître Dinah Sampil.
« Le juge, parce qu’il a simplement eu le courage d’ordonner l’évacuation de Monsieur Fofana, a été récusé. Parce qu’il n’a pas suivi les recommandations du procureur spécial, qui est toujours opposé à cette évacuation », a déclaré Maître Sampil. Il ajoute que le juge remplaçant aurait cédé à la pression du procureur en organisant une audience le 31 décembre, alors que le renvoi était prévu pour le 6 janvier, afin de décider de la comparution personnelle de Fofana.
« Il est conscient de la maladie de Kassory et de l’impossibilité pour lui de s’asseoir, à plus forte raison, de se tenir debout. » Devant ce qu’il qualifie de mésaventure judiciaire, Maître Sampil a déposé une récusation contre le nouveau juge, mettant en cause son impartialité.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte politique tendu, où plusieurs anciens ministres du régime d’Alpha Condé, dont Fofana, sont accusés de détournements de fonds publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux. La Crief, instaurée par la junte au pouvoir depuis septembre 2021, est au cœur de ces poursuites.
L’issue de ce bras de fer judiciaire reste incertaine, mais elle pourrait établir un précédent sur l’indépendance de la justice guinéenne face aux influences politiques.
Moussa Aziz Camara