Sous le cagnard implacable de Kankan, l’Université Julius Nyerere semble s’être transformée en ruche bourdonnante. Étudiants curieux, enseignants sceptiques et officiels guindés se pressent autour d’un espace ceinturé de rubans rouge et blanc. Le Premier ministre Amadou Oury Bah, auréolé de son costume de grand bâtisseur, s’apprête à poser la première pierre d’un projet attendu depuis plus de quinze ans : l’extension de la médiathèque universitaire.
Un vieux serpent de mer enfin dompté ?
Il fallait bien qu’un jour quelqu’un s’y colle. « Ce projet avait été initié en 2009, mais il n’a jamais vu le jour », rappelle le chef du gouvernement, regard vissé vers l’horizon comme pour conjurer le passé. « Aujourd’hui, nous corrigeons cette erreur. »
Derrière cette déclaration solennelle, une ambition : offrir aux étudiants un espace digne de ce nom, loin des salles surchauffées et des bibliothèques désertées faute de ressources. Le projet, financé par le Budget National de Développement (BND), doit durer six mois. Un délai audacieux quand on connaît la lenteur des chantiers publics.
PluDoc et haut débit : de la poudre aux yeux ou un vrai tournant ?
Au-delà des briques et du ciment, le gouvernement mise sur la technologie pour moderniser l’enseignement supérieur. La plateforme PluDoc promet d’offrir aux étudiants l’accès à plus de deux millions d’ouvrages. « Une médiathèque sans connexion aux ressources numériques n’est pas une médiathèque », tranche le Premier ministre, annonçant l’installation imminente d’un Internet à très haut débit. Reste à voir si la promesse tiendra face aux réalités logistiques.
L’excellence à quel prix ?
Autre mesure annoncée : les trois meilleurs étudiants de chaque licence auront un accès gratuit aux cycles de master et de doctorat. Une incitation à l’excellence, certes, mais qui pose aussi une question plus large : qu’en est-il des autres ? Dans un système universitaire où les infrastructures manquent, la médiathèque suffira-t-elle à combler le gouffre des inégalités académiques ?
Un pari sur l’avenir… ou un coup de com’ ?
Sur le terrain, l’enthousiasme reste prudent. « Nous avons besoin d’un cadre moderne et accessible. Ce projet pourrait enfin nous donner les outils pour rivaliser avec les meilleures universités de la sous-région », espère Mariam, étudiante en sciences économiques.
Mais combien de promesses ont déjà été faites sur ces terres rouges de Haute-Guinée ? Alors que les premiers coups de pelle résonnent, un vieux doute plane : cette médiathèque, porte-t-elle vraiment l’avenir ou restera-t-elle un chantier inachevé de plus sur la longue liste des ambitions avortées ?
Par Amadou Diallo