Il est des rôles que l’Histoire relègue trop vite dans l’ombre, des figures qui, après avoir été au premier rang, se retrouvent abandonnées au silence. Les épouses d’anciens présidents africains incarnent tragiquement cette réalité. Au-delà des sourires éclatants et des fonctions protocolaires qu’elles ont assumées, se dévoile une existence marquée par la solitude et la spoliation une fois le pouvoir éloigné.
La récente conférence de presse tenue à Koubaya, Conakry, le 5 octobre 2024, marque un tournant décisif. Sous l’impulsion d’André Touré, ancienne épouse du président Sékou Touré, la Coalition des épouses d’anciens présidents a été fondée. Cet organisme s’impose comme une nécessité face à la négligence systémique que subissent ces femmes. Touré, Fatmata Nippe Sow Momoh (Sierra Leone), et Isabel Vieira (Guinée-Bissau), parmi d’autres, unissent leurs voix pour briser un silence pesant.
Le poids de l’oubli
« Nous ne sommes pas seulement des personnages du passé. Nous avons joué un rôle important dans l’histoire de nos nations, et nous méritons reconnaissance et respect », a déclaré André Touré. Ces mots résument le combat de la coalition : réclamer une dignité trop souvent bafouée. L’existence post-pouvoir de ces femmes est un véritable chemin de croix. Dépossédées de leurs ressources, ignorées par leurs sociétés, elles doivent également affronter la stigmatisation. Que reste-t-il de leur rôle historique, si ce n’est une mémoire collective lacunaire ?
Trois axes, un combat
La Coalition propose trois campagnes phares pour changer ce récit :
- Raviver les rêves : il s’agit de permettre à ces femmes de reconstruire leur avenir après le pouvoir, loin de l’oubli.
- Défendre la dignité : combattre l’humiliation et la marginalisation qui accompagnent souvent leur retrait de la scène publique.
- Pérenniser l’héritage culturel : à travers des initiatives comme la création d’un musée, assurer que leurs contributions soient reconnues et documentées.
Un défi collectif
Malgré l’écho initial favorable de certains dirigeants, les promesses se sont évaporées. André Touré a dû mobiliser des alliés comme Fatmata Momoh pour relancer ce projet. Aujourd’hui, la Coalition regroupe des épouses d’anciens présidents de toute l’Afrique de l’Ouest, prêtes à défendre leur cause à travers des tournées et des alliances internationales.
Un devoir de mémoire et de justice
Le lancement officiel de la coalition, prévu du 15 au 17 février 2025 à Conakry, sera une plateforme pour asseoir leurs objectifs. Mais ce combat ne saurait être uniquement le leur. Gouvernements, société civile, et partenaires internationaux doivent reconnaître la valeur de ces femmes qui ont contribué à la stabilité et à la diplomatie de leurs nations.
En redonnant une voix à ces femmes, la Coalition ne plaide pas seulement pour leur cause. Elle interpelle nos sociétés sur la manière dont nous traitons ceux qui ont été au cœur de l’Histoire. Parce que reconnaître leur rôle, c’est aussi réhabiliter une part de notre humanité collective.
Amadou Diallo