À New York, lors d’un événement en marge du Sommet de l’Avenir, Charlotte Daffé, ministre guinéenne de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables, a dressé un tableau inquiétant de la situation des mariages précoces en Guinée. Si des progrès notables ont été réalisés, la bataille est loin d’être gagnée. En effet, près de la moitié des jeunes filles guinéennes se retrouvent encore mariées avant l’âge de 18 ans. Un chiffre effarant, qui rappelle avec force combien les Objectifs de développement durable (ODD) sont encore hors de portée, en particulier celui visant l’élimination du mariage des enfants d’ici 2030.
La ministre n’a pas mâché ses mots : « L’avenir de la Guinée dépend de la protection de ses enfants et du respect de leurs droits ». Un discours simple mais percutant, illustrant l’engagement du gouvernement guinéen. Mais un engagement, aussi fort soit-il, ne suffit pas à lui seul. Charlotte Daffé le sait bien, et son intervention à New York avait pour but de mobiliser une attention internationale sur l’ampleur de ce problème.
Des réformes prometteuses, mais insuffisantes
En 2019, l’adoption du Code de l’Enfant par le Parlement guinéen a marqué une étape cruciale. Ce texte, à travers l’article 25 de la future Constitution, consacrera l’interdiction explicite des mariages d’enfants. Cependant, cette avancée législative ne saurait à elle seule éradiquer une pratique profondément ancrée dans les mœurs et croyances sociales.
Daffé a rappelé un objectif ambitieux : réduire de 20 points le taux de mariages précoces d’ici 2030, pour passer de 46 % à 26 %. Cet objectif, bien qu’ambitieux, repose sur un constat pragmatique : il faudra plus que des lois pour réussir. Le gouvernement prévoit d’inscrire un programme dédié à la protection de l’enfance dans le Budget des Investissements publics à partir de 2025, un signe fort, certes, mais dont la réalisation dépendra de la mobilisation de financements conséquents et de l’engagement collectif des acteurs locaux et internationaux.
Entre obstacles culturels et manque de financements
Pour Charlotte Daffé, l’un des principaux freins à cette lutte reste la lenteur dans la mobilisation des ressources financières. À cela s’ajoute une autre difficulté de taille : les normes sociales bien ancrées qui continuent de favoriser le mariage précoce. « Il existe un décalage important entre les avancées juridiques et la réalité sur le terrain », a-t-elle déploré, soulignant que l’absence de données récentes complique davantage les efforts de lutte.
C’est donc un appel à l’action qu’elle a lancé : accélérer la collecte des données, renforcer les mécanismes de financement et miser sur la technologie pour une meilleure coordination des actions. Le lancement de l’application CPIMS+PRIMERO, ainsi que de la plateforme “Alerte VBG Guinée”, sont autant d’outils qui pourraient jouer un rôle clé dans cette lutte, notamment en améliorant la collecte et l’analyse des informations sur les violences basées sur le genre et le mariage des enfants.
Un avenir incertain, mais des pistes d’espoir
La conclusion de Charlotte Daffé a résonné comme un appel à la conscience collective : la Guinée ne pourra avancer que si elle parvient à protéger ses enfants, à leur offrir un avenir où leurs droits ne sont plus bafoués. Des progrès ont été réalisés, mais le chemin est encore long. La volonté politique est là, les ambitions sont claires, mais elles ne suffiront que si elles sont accompagnées d’un effort global, tant financier que culturel.
Le mariage précoce en Guinée n’est pas qu’un problème législatif. C’est un enjeu sociétal, une question d’avenir pour toute une génération. En se battant sur tous les fronts – législatif, financier, culturel – Charlotte Daffé tente de bâtir un avenir meilleur pour les enfants guinéens. Un avenir où chaque enfant pourra enfin jouir pleinement de ses droits.
Alpha Amadou Diallo