En Afrique, le statut d’épouse d’un président semble auréolé de privilèges, du moins tant que le mari reste au pouvoir. Mais une fois la chute venue — qu’elle soit douce ou brutale — l’image dorée se fissure pour révéler une dure réalité : ces femmes, autrefois admirées, se retrouvent souvent dans l’ombre, abandonnées à leur sort.
C’est pour dénoncer cet oubli criant que Fatmata Nippe Momoh, veuve de l’ancien président sierra-léonais Joseph Saidu Momoh, lance un cri du cœur. Face à des constats similaires vécus aux quatre coins du continent, elle s’engage aujourd’hui à donner une voix à celles qui n’en ont plus à travers la création d’une Coalition des épouses d’anciens présidents d’Afrique.
L’exemple d’Andrée Touré, veuve d’Ahmed Sékou Touré, illustre bien cette situation. À 91 ans, cette figure historique de la Guinée vit depuis des décennies dans la précarité, ses biens confisqués. Si le régime actuel de Mamadi Doumbouya amorce timidement un changement, cela reste insuffisant face à des décennies de dénuement. Et ce cas n’est qu’un parmi tant d’autres.
Le mépris réservé à ces femmes dépasse souvent la simple indifférence. Lorsque leurs maris sont déchus par un coup d’État, elles subissent le poids des représailles. Des comptes bancaires gelés, des propriétés saisies, et une société qui leur tourne le dos. Pourtant, ce sont des mères, des veuves, des divorcées parfois, comme Simone Ehivet Gbagbo, confrontées à une double injustice : privées des privilèges du pouvoir sans pour autant retrouver une vie ordinaire.
Un combat pour la dignité et la reconnaissance
La Coalition que souhaite bâtir Fatmata Nippe Momoh ne se limite pas à une simple association de victimes. Elle veut devenir un espace de solidarité, un cadre pour porter la voix des oubliées et influer sur les décisions des dirigeants actuels. Le but ? Faire instituer des pensions dignes, garantir le respect des droits des familles d’anciens dirigeants et, surtout, changer la perception selon laquelle ces femmes seraient forcément à l’abri du besoin.
Ce combat dépasse leur propre survie. Il s’agit aussi de rappeler aux Premières Dames actuelles que le pouvoir n’est jamais éternel. « Si vous persécutez vos opposants aujourd’hui, demain, vous risquez de subir le même sort », avertit avec sagesse Mme Momoh. Un message lucide, qui interpelle sur l’urgence d’humaniser les relations politiques en Afrique.
Une leçon pour nos sociétés
L’indifférence à l’égard de ces femmes n’est que le reflet d’une Afrique où la mémoire politique reste sélective, où le pouvoir oublie trop vite ceux qui l’ont exercé avant lui. Mais au-delà des responsabilités étatiques, il est aussi temps pour nos sociétés de déconstruire ce mythe des richesses infinies supposément cachées par les familles présidentielles.
Les femmes d’anciens présidents ne demandent pas la charité. Elles réclament justice et reconnaissance, pour elles et pour leurs familles. Soutenir cette initiative, c’est reconnaître leur rôle dans l’histoire politique de l’Afrique, même lorsque cette histoire a basculé.
Alors, oui, donnons-leur cette coalition. Pas comme une faveur, mais comme un droit. Elles ne veulent plus qu’on les oublie. Et il est temps qu’on les écoute.
Source : matinlibre.com/ lindépendant.org