Les souvenirs d’une élection souvent décrite comme un tournant décisif pour la Guinée refont surface avec des révélations pour le moins surprenantes. Près de 14 ans après la présidentielle de 2010, Cellou Dalein Diallo, le candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), lève un coin du voile sur les coulisses du second tour. Un épisode méconnu, qui pourrait redéfinir la lecture de cette page politique.
Vainqueur du premier tour avec 44 % des voix, Cellou Dalein Diallo se trouvait en position de force. Mais cette victoire partielle n’a pas suffi à le mener au palais présidentiel. Lors d’une interview accordée à la radio canadienne, Diallo dévoile une proposition pour le moins stupéfiante. Une personnalité guinéenne, dont il tait le nom, lui aurait suggéré d’annuler purement et simplement le second tour. Le but ? Laisser son rival, Alpha Condé, accéder à la présidence, avec la promesse qu’il lui céderait le pouvoir un an plus tard. Un scénario à peine croyable, pourtant bien réel, selon Diallo.
« On m’a dit qu’Alpha Condé avait beaucoup souffert sous Sékou Touré et Lansana Conté, qu’il était mon aîné, et que je devais accepter de reporter mes ambitions. Mais comment justifier cela face aux électeurs ? », a-t-il expliqué, soulignant son refus catégorique. Ce qu’il aurait pu dire aux 44 % de Guinéens qui avaient placé leur confiance en lui, ou aux électeurs de Sidya Touré, qui, avec ses 16 %, avait décidé de le soutenir ? Diallo est resté inflexible : la voix des urnes devait être respectée.
Cette confession est plus qu’un simple souvenir. Elle soulève des questions cruciales sur la pression exercée lors des élections en Afrique, et la fragilité des processus démocratiques face aux calculs de coulisses. Cellou Dalein Diallo, en refusant cette offre, s’est peut-être exposé à une défaite, mais il a aussi montré une rare fidélité à ses principes. Et aujourd’hui encore, on peut se demander comment l’histoire politique guinéenne aurait évolué si ce marché avait été conclu.
Toutefois, l’ancien Premier ministre ne cache pas ses regrets sur certains aspects de cette période, notamment sur le fait qu’il n’ait pas fait usage de la rue pour imposer le second tour, préférant rester cohérent avec les résultats officiels. Une posture qui, si elle lui a coûté la victoire, l’a aussi distingué par sa retenue.
Dans un pays où les élections sont souvent synonymes de tensions, cette révélation vient rappeler que les batailles politiques ne se jouent pas uniquement dans les urnes. Le chemin vers le pouvoir, en Guinée comme ailleurs, est pavé de choix délicats et d’offres inattendues.
Alpha Amadou Diallo