Ce lundi 2 Octobre 2023, la Guinée a fêté dans la liesse populaire ses 65 ans d’indépendance. L’ambiance festive et bon enfant, est observée à un moment où l’incertitude plane toujours sur la date du retour à l’ordre constitutionnel.
En dépit d’un accord trouvé en décembre 2022 avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), où la junte militaire dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya s’était engagée à remettre le pouvoir aux civils, dans un délai maximum de 2 ans, on nage en plein brouillard.
Hier, le discours solennel du président de la transition guinéenne a omis royalement un point crucial pour tous ceux qui observent la scène politique depuis le renversement de l’ex président de la République, Alpha Condé : les détails de la transition en cours et les éléments indiquant une volonté de retour à l’ordre constitutionnel.
Ce « couac » remarquable n’a fait que confirmer un autre observé lors de son discours à la tribune des Nations Unies, il y a quelques jours à New York. Pas un seul mot sur la transition ; on a plutôt eu droit à une charge en règle contre la « démocratie imposée par l’Occident » et à une tentative laborieuse de justification des putschs militaires en Afrique de l’Ouest. En prime, un changement de narratif : « président de la transition » est volontairement (?) transformé en « président de la République ».
On se croirait dans une situation normale, en dépit des cris d’orfraie émis par les détracteurs de l’ancien légionnaire de l’armée française, ex commandant des Forces Spéciales, qui lui même avait défilé, un certain 2 Octobre 2018 devant l’ex président Condé.
Le colonel Doumbouya a tellement dit et répété à qui veut l’entendre qu’il a décidé de « prendre ses responsabilités » face à l’ancien régime qu’il serait rébarbatif de disséquer tous les arguments avancés le jour du coup d’Etat (Ndlr : Il suffit de revoir les vidéos qui justifiaient le renversement du régime de Condé).
Seulement, depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et « la situation socio-économique du pays, le disfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, le piétinement des droits des citoyens, l’irrespect des principes démocratiques, la politisation à outrance de l’administration publique, la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémiques » ont cédé la place à un discours fustigeant « la volonté de certains civils de s’accrocher au pouvoir »…
Entretemps, le militaire à la tenue stricte, semble avoir décidé de troquer son joli treillis qui lui allait si bien contre des grands boubous amidonnés et des bonnets de chef africain. Entretemps, il a serré la main du secrétaire général des Nations Unies ; puis a été reçu par le Vice-président chinois et le président de la République islamique de Mauritanie. Entretemps, il a réussi à organiser dans un grand défilé militaire le long d’une avenue restaurée, dans une ambiance folklorique qui a impressionné une bonne partie des populations…
Il reste cependant l’essentiel pour les plus sceptiques d’entre nous : pourquoi avons-nous le sentiment qu’on ne veut plus parler de la fin de la transition, passage obligé pour la Guinée, en tout cas si elle veut retrouver la plénitude de ses moyens et restaurer tout son potentiel ? Vivement une réponse rassurante à cette question.
Oumar Camara