Dans un entretien accordé à lindependant.org. Mamadou Kaly Diallo, activiste de la société civile et défenseur des droits de l’homme, s’est prononcé sur les conditions de détention dans les prisons guinéennes, les détentions provisoires prolongées et le projet de rénovation et d’extension de la Maison centrale de Conakry annoncé par le ministre de la justice, Charles Alphonse Wright.
Lindependant.org : Quelle appréciation faites-vous de l’annonce des travaux de rénovation et de l’extension de la Maison centrale de Conakry annonce faite par le ministre de la justice ?
Mamadou Kaly Diallo : L’annonce faite par le ministre des droits de l’homme et garde des sceaux est un événement que nous avons saluée et que nous encourageons. Conakry abritait une infrastructure vétuste qui avait été construite à la période coloniale. La capacité d’accueil était de 400 personnes mais aujourd’hui on est à plus de 1000 détenus. Donc nous estimons que si cette rénovation est entamée, elle pourrait contribuer à l’amélioration des conditions de vie des détenus. Ce qui est en cause, c’est l’humanisation des conditions de détentions comme le veut un Etat de Droit.
Lindependant.org : Malgré les conditions de vie difficile à la Maison centrale, de nombreux accusés sont sans jugement depuis plusieurs mois. En tant qu’activiste des droits l’homme, comment réagissez-vous à cette situation ?
Mamadou Kaly Diallo : D’abord il faut saluer la volonté de lutter contre le détournement, la corruption qui était devenu pratique courante en République de Guinée. Cependant, il y a un principe sacrosaint qui veut qu’en matière de droit, la forme commande le fond. Je pense que la Guinée doit revoir cette forme de détention préventive qui commence à poser problème. Dans les conditions normales et selon la déclaration universelle des droits de l’homme, tout accusé bénéficie de la présomption d’innocence jusqu’à ce qu’un procès juste et équitable soit organisé, ou tous les droits à la défense lui seront garantis.
Encore une fois, les conditions de vie difficile, ce surpeuplement s’inscrit dans le cadre de la détention inhumaine et dégradante. D’ailleurs, durant la période Covid-19, les Nations unies avaient recommandé à tous les pays membres d’accorder des libertés provisoires sous conditions, pour désengorger les prisons et éviter la propagation du virus. A ce jour, il est important de décentraliser les choses pour favoriser une justice impartiale, indépendante, répondant aux attentes des justiciables.
Lindependant. Org : Que disent les textes par rapport à la détention préventive ? Que pensez-vous du cas du cas d’Oumar Sylla alias « Foniké Mengué » et Ibrahima Diallo ?
Les lois guinéennes sont claires : c’est que tout citoyen accusé d’un acte délictueux à un droit juste et équitable dans les meilleurs délais. Malheureusement, nous constatons encore des détentions préventives aujourd’hui. Parfois, c’est à se demander est-ce qu’il y a une part d’interférence qui favorise cette situation. Dans beaucoup d’Etats, il y a parfois la tendance de l’exécutif à interférer dans le judiciaire. Quand le colonel Mamadi Doumbouya est venu le 5 septembre 2021, il a libéré beaucoup de prisonniers parce qu’il avait estimé que c’était des détenus arbitraires, des détenus d’opinion. A mon avis, Foniké Mengué et Ibrahima Diallo se retrouvent dans la même situation.
Toutefois, je pense qu’il faut saluer la volonté de donner une autre image à la justice guinéenne parce qu’on ne peut pas construire l’Etat de droit sans une justice forte. Nous osons espérer quelle soit cette justice impartiale, indépendante qui répond aux attentes des justiciables. Tous les citoyens sont censés être égaux devant la justice et devraient bénéficier d’une égale protection de cette même justice.
Entretien réalisé par Alpha Amadou Diallo