Depuis la fin de la semaine dernière, le capitaine Moussa Dadis Camara est sous le feu de nombreuses questions autour de sa présence supposée à Dixinn, où des massacres, des viols et autres exactions ont eu lieu, le jour du 28 septembre 2009.
Dadis a toujours avancé une thèse selon laquelle il se trouvait dans son bureau au camp Alpha Yaya, base du Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA), le jour de ces événements tragiques qui ont suscité l’émoi aussi bien en Guinée qu’à l’extérieur du pays.
Depuis quelques jours, selon certains avocats de la défense et de la partie civile, renforcé par l’audio d’un individu qui s’est présenté comme un ex agent des renseignements angolais, l’ancien chef de la junte militaire qui avait pris le pouvoir en 2008, se serait rendu lui-même à proximité du stade du 28 septembre pour « donner des ordres » à ses hommes, quand au moins 157 personnes ont été tuées par balles ou par armes blanches et plus d’une centaine de femme violées.
Ce mardi 24 janvier 2023, Me Lanciné Sylla, l’un des avocats d’Aboubacar Diakité dit « Toumba », a soumis Dadis à de nombreuses questions relatives à sa participation « active » aux violences aujourd’hui jugées par le tribunal criminel, présidé par le juge Ibrahima Sory2 Tounkara.
Hier lundi, acculé par le flot de questions des avocats de la partie civile qui renforcent la thèse selon laquelle le bouillant capitaine se serait rendu dans une voiture banalisée à Marocana, tout près du théâtre des évènements (Ndlr : la piscine de Marocana est contigüe au grand stade de Dixinn), Dadis a dénoncé un « harcèlement ».
Avant l’audition du mardi, plusieurs avocats ont posé de nombreuses questions au sujet de la présence de Dadis à l’endroit abritant la fameuse piscine.
L’avocat Amadou Oury Diallo a mentionné plusieurs faits présumés, même si l’accusé a nié les accusations portées contre lui.
Me Diallo a évoqué le chiffre de plus de 1480 victimes (y compris les blessés), en donnant des détails sur les tranches d’âge.
« Nous avons la preuve que vous vous êtes rendu à Marocana. Nous avons la preuve que vous avez donné l’ordre à la gendarmerie de quitter l’enceinte du stade pour permettre aux militaires d’y accéder », a dit Me Diallo.
L’affaire de « Marocana » était inconnue du grand public jusqu’en fin de semaine dernière, quand Me Paul Yomba Kourouma, l’autre avocat de Toumba Diakité, a posé des questions par rapport à la présence de Dadis à proximité du lieu du massacre, sous les regards incrédules du public.
Me Kourouma a révélé que Dadis aurait aménagé discrètement une sortie secrète à partir de sa chambre et qu’il aurait utilisé cette issue pour se rendre à Dixinn.
Dadis a toujours rejeté en bloc les accusations portées contre lui, en affirmant qu’il n’a jamais donné d’ordre à ses hommes de réprimer la manifestation.
« Vous dites des choses, sans preuves », s’est-il défendu.
Me Diallo, a évoqué le cas d’un agent de renseignements (Ndlr : dont le pseudonyme est Charly Lumu) qui aurait été au cœur du système des services secrets militaires et civils de l’ex putschiste.
Des sonores de cet agent de renseignements indiquent que seuls les corps « présentables » ont été retournés à leurs familles.
Selon cette source qui dit avoir séjourné au fameux camp de Kaléah, un charnier a été creusé à côté de la piste de l’aéroport de Conakry, dans le quartier de Faban, où tous les corps n’ont pas pu être enterrés, faute de place.
Le même témoignage affirme qu’un groupe de 13 creuseurs ont été utilisés pour aménager la fosse commune, avant d’être eux-mêmes abattus froidement par balles et ensevelis dans la fosse commune du quartier Faban.
Dadis a nié avoir signé un contrat avec des services secrets angolais, mais l’agent à l’origine des fuites a déclaré avoir déjà fourni plusieurs documents et preuves pertinentes aux avocats.
Selon les informations relayées par plusieurs victimes et témoins, de nombreux jeunes recrues, sont effectivement venus du camp de Kaleah, par bus, pour se rendre au stade le 28 septembre 2009 dans le but de s’attaquer aux manifestants à la machette et au poignard. Des militaires armés s’y sont également introduits et certains ont tiré à balles réelles sur la foule de protestataires, contre une éventuelle candidature de Dadis à la présidentielle (Ndlr : finalement organisée en 2010 et remportée par l’ex président déchu, Alpha Condé).
« Les gens qui sont venus avec les machettes ont été recrutés dans le village de Gono Sangaré (Ndlr : actuellement en fuite au Liberia, selon les avocats). Gono lui seul a envoyé 163 personnes au stade », a déclaré cet agent secret dans son sonore.
Lors de son audition par le Tribunal criminel, Toumba Diakité avait déclaré avoir découvert des centaines de personnes munis de machettes, de cauris, de flèches, au cour d’un déplacement avec Dadis chez Gono Sangaré, à Dubréka.
Dadis a également nié et ce fait et ce déplacement que son ex aide de camp affirme avoir opéré en compagnie de la garde rapprochée, dont le commandant du salon de l’ex chef du CNDD.
La même source (l’agent secret) soutient que de nombreux autres corps ont été embarqués à bord d’un « chaland » et jetés en haute mer « à proximité des côte sierra-léonaises », pour dissimuler l’ampleur du massacre.
Détail important, un des procureurs a posé des questions à Dadis sur sa « sortie » du camp Alpha Yaya, le jour du massacre, à bord d’un véhicule de marque « Isizu Trooper », confortant quelque peu la thèse des avocats qui accusent Dadis. L’ex pustchiste a déclaré n’avoir jamais quitté son bureau.
« Ce sont des allégations. Parce qu’il faut trouver quelque chose et mettre sur la tête de Monsieur Camara », s’est défendu lundi Dadis. Le patron du défunt Comité national pour la démocratie et le développement (CNDD) a maintenu la même position mardi.
Aïssatou Walid Bah