Alors que les autorités de la transition vantent le programme Simandou 2040 comme un levier majeur du développement économique de la Guinée, les critiques se multiplient, notamment du côté de l’opposition. Pour certains, cette ambition n’est qu’une coquille vide, un argument de propagande sans réelle portée concrète.
L’un des sceptiques les plus virulents est Marc Yombouno, ancien ministre et cadre du RPG Arc-en-ciel. Lors d’une intervention publique, il a mis en doute la réalité du programme Simandou 2040 et appelé les responsables à plus de transparence.
Une distinction floue entre programme et projet
Selon Marc Yombouno, une confusion majeure entoure le programme Simandou 2040. « Il y a une différence entre le programme et le projet Simandou. Beaucoup de gens ne la comprennent pas. Aujourd’hui, on voit des affiches du programme Simandou 2040 dans tous les bureaux, mais ce n’est qu’un slogan. Il n’y a rien de concret dedans », affirme-t-il.
Il souligne que, contrairement à d’autres plans de développement économique comme l’ANIES ou le PNDES, Simandou 2040 ne dispose d’aucun budget clairement défini. « Ce programme est en construction avec des experts étrangers, mais il n’est pas finalisé », précise-t-il, faisant écho aux réserves émises récemment par un conseiller du CNT.
Un projet minier ancien, mais encore fragile
Revenant sur l’histoire de Simandou, l’ex-ministre rappelle que ce projet ne date pas d’hier. Initié sous Sékou Touré, il a pris une tournure plus concrète sous Lansana Conté, avec l’attribution d’un contrat à Rio Tinto. L’entreprise minière avait même construit un aéroport à Beyla pour faciliter l’exploration.
L’arrivée d’Alpha Condé a changé la donne. L’ancien président, estimant que Rio Tinto freinait le projet, l’a traîné en justice. Un litige qui s’est soldé par le versement de 720 millions de dollars à l’État guinéen. Par la suite, les Chinois sont entrés dans la danse, s’engageant à développer le projet, notamment par la construction d’un chemin de fer.
Mais après le coup d’État de 2021, les contrats ont été suspendus, retardant les activités de plusieurs mois. Un nouveau contrat a été signé sous la transition, mais son contenu reste inconnu du grand public. Yombouno s’interroge : « Qui connaît les détails de cet accord entre le gouvernement et les entreprises minières ? »
Des emplois, mais pour combien de temps ?
Parmi les promesses du programme Simandou 2040, la création massive d’emplois figure en tête d’affiche. Pourtant, des voix s’élèvent pour prévenir d’un éventuel mirage. Kassory Komara, ancien Premier ministre, met en garde contre un effet temporaire.
« Pendant la phase de construction, il y aura de nombreux emplois non qualifiés pour les ouvriers, les maçons, les menuisiers et les électriciens. Mais une fois les infrastructures terminées, ces postes disparaîtront », prévient-il. D’où la nécessité d’un plan pour la reconversion des travailleurs.
Une ambition réelle ou une simple opération de communication ?
Pour Marc Yombouno, le pouvoir actuel tente de s’approprier un projet qui précède la transition, tout en manquant de clarté sur ses contours. Il regrette qu’Alpha Condé, bien que contesté sur plusieurs fronts, n’ait pas bénéficié de la même couverture médiatique pour ses efforts sur Simandou.
« Tout ce qu’on vous dit aujourd’hui, Alpha Condé l’avait déjà anticipé. Il préférait inaugurer des projets plutôt que de poser des premières pierres », rappelle-t-il.
Face à ces critiques, les autorités de transition persistent : Simandou 2040 est un cap stratégique qui marquera l’avenir de la Guinée. Mais sans feuille de route précise, ni référence budgétaire officielle, la question demeure : le pays est-il sur la voie d’une réelle transformation ou simplement ballotté par des promesses politiques ?
Moussa Aziz Camara