Après un an de bras de fer, le Mali, le Burkina Faso et le Niger actent définitivement leur rupture avec la CEDEAO. Ce mercredi 29 janvier 2025 marque la fin d’une appartenance de près de cinquante ans à l’organisation régionale. Une séparation qui, au-delà du symbole, redessine les équilibres en Afrique de l’Ouest.
Une rupture inéluctable
Depuis l’annonce fracassante de leur retrait le 28 janvier 2024, les trois pays sahéliens n’ont jamais fléchi. Face aux pressions diplomatiques et aux tentatives de conciliation de la CEDEAO, Bamako, Ouagadougou et Niamey ont tenu bon. L’organisation sous-régionale, qui espérait encore inverser la tendance, s’est heurtée à une volonté ferme et unanime. Entre ultimatums, sanctions et négociations infructueuses, la fracture s’est creusée jusqu’à devenir irréversible.
Derrière cette décision radicale, des griefs bien identifiés : une CEDEAO jugée inefficace face aux crises sécuritaires, une solidarité à géométrie variable et une organisation perçue comme trop inféodée à des intérêts étrangers. En réponse, les trois pays ont consolidé leur alliance au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), affirmant leur volonté de bâtir un nouvel espace de coopération, libéré des influences extérieures.
La CEDEAO fragilisée, un précédent dangereux
Cette défection historique pose une question cruciale : la CEDEAO peut-elle survivre à une telle saignée ? Affaiblie, critiquée pour son manque d’efficacité et sa gouvernance contestée, l’institution créée en 1975 vacille. Si elle ne réforme pas en profondeur ses mécanismes de gouvernance et de décision, d’autres pays pourraient être tentés de suivre la même voie. Déjà, l’AES suscite l’intérêt, et certains observateurs n’excluent pas une contagion régionale.
Ce divorce pourrait être le signal d’un basculement plus large. La CEDEAO doit-elle se réinventer ou accepter son déclin progressif ? L’avenir résidera dans sa capacité à regagner la confiance des États membres, sous peine de voir son influence se diluer.
AES : une alternative crédible ?
Si l’AES ambitionne de redéfinir la coopération sous-régionale, elle reste confrontée à des défis de taille. Intégration économique balbutiante, incertitudes sur la libre circulation des biens et des personnes, attractivité limitée pour les investisseurs : le chemin vers un espace viable est semé d’embûches. Mais ses dirigeants affichent une volonté inébranlable de poser les bases d’un modèle alternatif, axé sur la souveraineté et la sécurité.
L’Afrique de l’Ouest se trouve ainsi à un tournant. Entre réforme et désagrégation, la CEDEAO joue son avenir, tandis que l’AES cherche à prouver sa pertinence. Qui l’emportera ? Une CEDEAO rénovée ou une AES montante ? Une chose est sûre : la reconfiguration du paysage géopolitique régional est en marche.
Alpha Amadou Diallo