Pour sa sixième tournée sur le continent africain en deux ans, le ministre russe des Affaires étrangères se rend dans des pays qui sont encore, pour certains, proches de la France.
Pour un diplomate en chef d’un pays en guerre, Sergueï Lavrov pourrait donner l’impression de passer beaucoup de temps loin du front ukrainien. À moins que chaque voyage ait pour but d’équilibrer un autre front, celui des pays favorables ou indifférents au conflit provoqué par la Russie aux Nations unies. En deux ans, le ministre russe des Affaires étrangères vient d’entamer sa sixième tournée sur le continent africain.
Ménager la chèvre et le chou
Alors qu’il avait mis à profit ses précédents périples en Afrique pour consolider les liens avec des pays plutôt adeptes du régime de Vladimir Poutine et souvent en opposition avec la France d’Emmanuel Macron, Lavrov a cette fois ciblé ceux qui ménagent la chèvre française et le chou russe : la Guinée, le Congo et le Tchad.
Même si la Guinée est historiquement et économiquement lié à la Russie, depuis l’Union soviétique, l’ancien officier de la légion étrangère française Mamadi Doumbouya n’a pas négligé la France autant que ses collègues putschistes de l’Alliance des États du Sahel (AES). De même que Moscou n’avait négligé aucun dirigeant guinéen depuis Ahmed Sékou Touré, Conakry garde ses distances avec le bashing anti-français et cultive une position relativement neutre vis-à-vis du conflit en Ukraine. Au nom du marché de la bauxite ? Lors du premier vote des résolutions des Nations unies condamnant le déclenchement de la guerre, les toutes fraîches autorités guinéennes s’étaient abstenues… Dans les institutions internationales, Moscou a tout autant besoin d’abstentions que de votes purement favorables.
Au Congo, en plus de la tenue de discussions sur la coopération militaire ou énergétique, Lavrov joue un billard à deux bandes, venu à Brazzaville notamment pour évoquer la situation d’un pays où la présence russe est tangible depuis 2019, aux côtés du maréchal Khalifa Haftar : la Libye. Le chef de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso, est toujours engagé en qualité de président du comité de haut niveau de l’Union africaine sur la crise en Libye.
Dans le Tchad du président élu Mahamat Idriss Deby Itno, le chef de la diplomatie russe foulera le sol du dernier bastion historique de l’influence française au Sahel. Plus d’un millier de soldats français y résident toujours. Ce qui n’exclut pas un fin équilibre diplomatique, voire un rééquilibrage, en cette période de fin de transition.
Pour des raisons de sécurité, pour se ménager un suspense de star en tournée ou pour laisser une certaine place à l’improvisation, Lavrov diffuse tardivement ses plans de vol. Le ministre des Affaires étrangères s’offre, ce 5 juin, une escale au Burkina, un pays plus franchement « conquis ».
Source: Jeune Afrique