Le gouvernement sénégalais a décidé, le 8 octobre dernier, à travers un arrêté ministériel, de garantir le port des signes religieux en milieu scolaire. Cette décision assez controversée est perçue au sein de l’opinion publique comme un message à l’église catholique qui œuvre depuis des décennies dans l’éducation au Sénégal.
« Ce n’est pas parce que nous interdisons le port du voile dans nos écoles, que nous sommes contre les principes et valeurs de la République », lance, l’air déçu, sous anonymat, un membre du conseil d’administration d’une célèbre école catholique implantée depuis plusieurs décennies à Dakar.
Depuis l’annonce de la levée de l’interdiction des signes religieux dans les écoles publiques et privées sénégalaises, les commentaires vont bon train dans les rues de Dakar. Pauline, est une fidèle catholique qui a soutenu l’élection du président Bassirou Diomaye Faye.
« Je suis patriote, dit-elle. Mais pour cette mesure-là, je ne suis pas d’accord. Si toutefois ils le veulent, ils viennent dans nos écoles, qu’ils respectent le règlement intérieur de l’école. »
Chaque école a son règlement
Les écoles privées ont un agrément de service public, reconnait Célestine, enseignante à Mbour mais chaque école dit-elle a son règlement intérieur, et les parents d’élève sont libres d’inscrire leurs enfants dans l’école qui répond mieux à leurs principes.
Selon elle, « tu ne peux pas venir avec tes règlements et imposer avec qui tu vas t’asseoir. Vu que ces écoles font de bons résultats, peut-être que ceux qui veulent bannir ce règlement veulent que leurs enfants fréquentent ces écoles alors qu’ils ont des appartenances religieuses que le règlement intérieur de l’école privée catholique n’accepte pas ».
Le phénomène va au-delà du Sénégal, rappelle l’analyste politique sénégalais Jean-Charles Biagui. D’après lui, le gouvernement a ouvert un débat qui ne se posait pas avant qu’il n’en parle. Il précise qu’il y a 20 ou 30 ans, les jeunes filles ne portaient pas forcément le voile dans les écoles privées catholiques :
« Ici, le débat qui se pose, c’est que nous sommes dans une configuration sénégalaise – et cela aussi, c’est un désaveu pour l’Etat- où les écoles qui marchent le plus, c’est des écoles catholiques avec une certaine idée que l’église catholique se fait de l’éducation. C’est poser des débats qui auraient pu être réglés de façon consensuelle sans pour autant frustrer l’église catholique qui joue un rôle très important dans l’éducation au Sénégal. »
Garantir le vivre-ensemble
La décision du gouvernement de mettre fin à l’interdiction des signes religieux dans les écoles relève d’une demande sociale, indique pour sa part l’imam Moussa Fall, président de l’Alliance des Religieux et Coutumiers pour la Santé et le Développement. Pour lui, cela ne devrait pas compromettre le vivre ensemble des Sénégalais.
Imam Moussa Fall, président de l’Alliance des Religieux et Coutumiers pour la Santé et le Développement, explique que « dans une même famille, certains sont musulmans, d’autres sont chrétiens, et pourtant la cohabitation existe. Ce qui nous lie est plus fort que ces petits détails. Ce qui nous lie, c’est la culture, c’est la tradition, c’est le cousinage à plaisanterie. C’est des valeurs intrinsèques que nous avons tous héritées de nos grands-parents et de nos parents. Et nous avons le devoir de les faire hériter à nos enfants, à nos petits-enfants ».
Le nouvel arrêté est “un rappel sur l’importance du renforcement de la cohésion nationale et de l’acceptation des différences”, selon le ministre de l’Éducation dans un quotidien sénégalais.
Etat laïc, le Sénégal compte 95 % de musulmans. Les chrétiens représentent moins de 5% de la population.
Auteur : Robert Adé