« Un peuple qui ne retient pas les leçons de son histoire, est condamné à vivre avec les fantômes de ses propres turpitudes. Les symboles d’une nation constituent le ciment qui mobilise les citoyens vers des défis plus grands. Il faut savoir les préserver à tout prix… », conseillait un intellectuel africain interrogé par des journalistes.
A près de 79 ans, l’immense guitariste « Diamond Fingers », Sékou Bembeya Diabaté pour ne pas le nommer, la star du Bembeya Jazz National, est sur le point d’être expulsé du domicile qu’il occupe depuis 45 ans, au nom d’une opération de « récupération des biens de l’Etat », à la forme très contestable.
La décision en question n’aurait pas provoqué autant d’émoi si la plupart des personnes sommées de quitter leur domicile avaient eu le sentiment d’avoir été traitées comme elles l’auraient mérité, dans un pays pour lequel elles-mêmes ou leurs parents vivants ou décédés ont tout donné.
Au-delà du caractère « expéditif » de la sommation, il y a pourtant le fait, indéniable, que le maigre salaire accordé aux fonctionnaires ou assimilés n’a jamais permis à ceux-là qui ne comprennent pas aujourd’hui ce qui leur arrive, de s’organiser réellement pour sortir de l’état d’assistanat dans lequel la société guinéenne les a plongés.
En 64 ans d’indépendance, où sont les logements sociaux ? Où est la banque de l’habitat ? Où est le système qui permet d’amortir cette réalité qui sanctionne les fonctionnaires (ou assimilés) les plus honnêtes, ne comptant que sur leurs salaires pour survivre ?
Cette propension à vouloir tellement s’affirmer – qu’on en oublie les dégâts collatéraux causés par cette initiative de la junte militaire au pouvoir, via le patrimoine bâti public – est quand même inquiétante.
Un symbole irremplaçable comme Sékou Bembeya Diabaté, un référence pour le monde culturel, ne peut être brisé sans conséquence pour la société guinéenne. D’ailleurs, au nom de quoi et pour quel objectif devrait-on le faire ?
Il est évident qu’il y a un problème qui nécessite une bonne discussion, indépendamment de la (fausse) très haute idée que certaines personnes se font d’elles-mêmes et de leur rôle dans un pays où la culture de la violence et de l’humiliation a fini par briser les personnalités les plus dignes.
Il faudra bien un jour réfléchir sur le sens de mots qui sont censés motiver l’action de tout Etat désireux de construire un vrai avenir pour ses citoyens : le bons sens et l’empathie.
Un Etat, c’est d’abord le territoire, les hommes et seulement après la force de répression. Parce que la finalité de toute action publique n’est pas d’exhiber la force brutale à ses citoyens mais de leur garantir protection et une meilleure vie, dans une démarche respectueuse de leurs droits fondamentaux.
La rédaction