Quand l’État transporte 21 milliards de francs guinéens sur les routes cabossées de l’intérieur du pays, sans escorte digne de ce nom, et qu’il se fait dépouiller sans résistance, ce n’est pas seulement une attaque armée : c’est une faillite symbolique. Celle de nos institutions, de notre sécurité, et surtout, de notre crédibilité.
Dans un communiqué rendu public le mardi 14 avril 2025, la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) a confirmé ce que certains murmuraient déjà avec stupeur : un convoi privé, chargé de billets neufs de 20.000 GNF pour un montant total de 21 milliards, a été attaqué et délesté de sa cargaison entre Mamou et Kindia, le samedi précédent. L’intégralité de la somme aurait été emportée par les malfaiteurs.
Que faisaient 21 milliards en liquide sur cette route notoirement à risque ? Pourquoi un convoi « privé » pour transporter une telle somme, relevant de la souveraineté monétaire nationale ? Où étaient les escortes ? Les blindés ? Le sérieux ?
Le communiqué se veut rassurant. Un comité de crise aurait été mis en place, sous la supervision du gouverneur de la BCRG, Karamo Kaba en personne. Des mesures « d’urgence » auraient été prises, les forces de défense et de sécurité « saisies », et les numéros de série des billets volés transmis aux autorités. Un appel à la vigilance est même lancé au public, comme si la responsabilité pouvait désormais glisser dans les mains du citoyen lambda.
Mais au fond, ce que révèle ce braquage, ce n’est pas simplement une faille sécuritaire. C’est une imprudence grave dans la gestion des fonds publics. C’est le manque de rigueur d’un État qui, visiblement, peine à garantir la sécurité de ses propres avoirs. Et si l’argent des contribuables voyage comme dans un film de série B, à quoi faut-il s’attendre pour le reste ?
Au lieu de rassurer, ce communiqué met à nu une gestion de crise improvisée et des pratiques opaques. Qui a autorisé ce transport ? Dans quelles conditions ? Et surtout : à qui profite ce crime organisé avec une précision qui fait froid dans le dos ?
L’opinion publique est en droit d’attendre plus que des promesses de traçabilité et des comités d’urgence. Elle mérite des réponses claires, des têtes qui tombent, et une réforme en profondeur de la gouvernance des institutions financières.
Car au bout du compte, ce ne sont pas 21 milliards qui ont été volés. C’est une partie de notre confiance collective dans l’État qui s’est volatilisée.
La Rédaction