Une bombe a éclaté dans le monde judiciaire guinéen, révélant une interférence flagrante du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires. Lors d’une réunion avec les hauts responsables des juridictions à la Cour d’appel de Conakry, le vendredi 19 avril 2024, le ministre de la Justice, Yaya Kairaba Kaba, a jeté une lumière crue sur les pratiques douteuses entourant l’affaire Aminata Conté, impliquant son prédécesseur.
Au cœur de cette révélation, un geste audacieux d’un magistrat, qui a osé franchir la ligne de l’indépendance judiciaire en appelant directement le président de la République pour solliciter des conseils sur la conduite à adopter dans l’affaire en question. Le ministre Kaba a déclaré avec indignation lors de la réunion : « Je me réserve le droit de dénoncer cette affaire. Je le mentionne pour que la personne concernée sache que je suis informé. Il est scandaleux qu’un magistrat ait osé prendre son téléphone pour appeler le président de la République, qui a répondu. »
Les mots exacts de cet appel révèlent l’étendue troublante de l’ingérence : « ‘Monsieur le président, je suis magistrat dans telle juridiction. Il s’agit du dossier concernant cette femme qui a été mise en prison par monsieur le ministre sortant. Le dossier est là. Quelle conduite adopter ?' » Ces révélations ont secoué l’assistance, soulignant le manque criant d’indépendance dans certains secteurs du système judiciaire guinéen.
Le ministre Kaba a exprimé son profond choc face à ces pratiques, soulignant que chaque magistrat devrait respecter le serment solennel qu’il a prêté avant de prendre des décisions. « Je vous assure que je ne mens pas […]. Ce magistrat se reconnaîtra. Il demande au président quelle conduite adopter dans une affaire. Et après cela, nous parlons d’indépendance. Nous réclamons l’indépendance alors que nous nous tournons vers l’exécutif pour des conseils. Quand on m’a rapporté cela, je me suis dit : cela fait également partie des responsabilités du ministre ? » a-t-il ajouté avec une pointe d’amertume.
Pour rappel, Aminata Conté a été inculpée et placée en détention le 8 mars dernier pour des accusations de « violation de la loi sur la protection des données à caractère personnel à travers la production, la diffusion et la mise à disposition de données personnelles ainsi que pour avortement. » Cette affaire, qui a mis en lumière les liens troubles entre le pouvoir judiciaire et exécutif, continue de susciter des interrogations sur l’indépendance et l’intégrité du système judiciaire guinéen.
Aziz Camara