Dans une salle d’audience feutrée, l’avocat de l’ancien chef de la junte, Maître Jean-Baptiste Jocamey Haba, se lève, le visage grave et déterminé. Les regards se tournent vers lui, attentifs. La deuxième phase des plaidoiries du procès du 28 septembre bat son plein. Maître Haba ajuste ses papiers et commence à parler d’une voix ferme, accusatrice.
Il désigne la France, accusant cette nation d’avoir orchestré un complot pour évincer son client, Moussa Dadis Camara, de la présidence. Le récit de l’avocat retrace les onze années d’exil forcé de Camara au Burkina Faso, une période pendant laquelle il a été privé de ses droits les plus fondamentaux.
« Imaginez un homme interdit de revenir dans son propre pays, même lors du décès de sa mère. Nous avons parcouru Conakry en quête de justice, mais il a été contraint de transiter par le Libéria. Il a même été escorté par des militaires burkinabés, comme s’il n’existait personne en Guinée pour garantir la sécurité d’un ancien chef d’État. »
L’audience est suspendue aux lèvres de l’avocat, chaque mot pesant lourd. Il poursuit en dévoilant les coulisses de cette surveillance constante, organisée depuis le Maroc, où le régiment de la sécurité présidentielle burkinabé avait accueilli Camara à Ouagadougou. « Ce n’était pas pour sa sécurité, mais pour le contrôler, s’assurer qu’il retourne à Ouagadougou. »
Maître Haba s’anime davantage en évoquant les figures impliquées dans ce complot : Alpha Condé, Sékouba Konaté, Toumba Diakité, et la France. Il n’hésite pas à pointer du doigt des personnalités françaises de haut rang, de Nicolas Sarkozy à Bernard Kouchner, en passant par l’ambassadeur Jean Graebling.
« Le 28 septembre symbolise la revanche d’une France humiliée par le référendum guinéen de 1958, une date marquant l’indépendance de la Guinée. Cette puissance ne voulait pas que la Guinée commémore la chute de l’empire colonial français. Pour écarter Thomas Sankara, ils ont utilisé Blaise Compaoré. Pour Patrice Lumumba, c’était Mobutu. Pour Dadis, c’était le général Sékouba Konaté. C’est toujours la même politique coloniale. »
Les mots de Maître Haba résonnent dans la salle, lourds de sens et d’accusations. La tension est palpable, les regards échangés portent la marque de l’incrédulité et de la réflexion. Le procès du 28 septembre devient alors le théâtre où se joue non seulement le destin de Dadis Camara, mais aussi l’ombre d’une histoire coloniale persistante.
Algassimou L Diallo