Conakry, le 10 mars 2025 – L’ambiance était lourde ce lundi matin à la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Dans une salle d’audience pleine à craquer, magistrats, avocats et curieux attendaient avec impatience les réquisitoires et plaidoiries dans l’affaire qui oppose l’ex-gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG), Chérif Bah, à l’État guinéen.
Dès l’ouverture des débats, le procureur spécial Aly Touré n’a pas mâché ses mots. D’un ton ferme, il a fustigé ce qu’il considère comme une gestion frauduleuse des finances publiques. Son principal grief : le retrait suspect de 10,5 millions de dollars des comptes de la Banque Centrale. « Les preuves sont accablantes », a-t-il martelé devant le tribunal, avant de requérir une peine exemplaire : dix ans de réclusion criminelle et un mandat d’arrêt contre l’ancien gouverneur.
L’accusation est lourde. Chérif Bah est poursuivi pour détournement de deniers publics, corruption, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux, abus de confiance, vol et complicité. Pour le procureur, l’ampleur du préjudice justifie non seulement une peine sévère, mais aussi la saisie de tous ses biens.
Une défense sur la corde raide
Face à ces accusations, la défense tente de minimiser la responsabilité de son client. Les avocats de Chérif Bah dénoncent un procès politique et une tentative de faire de leur client un bouc émissaire. “Où sont les preuves irréfutables ?”, s’interroge Me Diallo, un des avocats de la défense, qui accuse l’accusation de « monter en épingle une affaire purement administrative ».
De son côté, la partie civile, représentée par l’État guinéen, réclame des comptes. Elle exige le remboursement intégral des 10,5 millions de dollars prétendument détournés, ainsi qu’une indemnisation de 100 milliards de francs guinéens en guise de dommages et intérêts.
Verdict attendu en avril
L’affaire, qui alimente déjà les débats dans les milieux politiques et économiques, est désormais suspendue à la décision des juges. Le tribunal a fixé la date du 23 avril pour le verdict, une échéance cruciale pour cet ancien haut cadre de la République, aujourd’hui dans la tourmente.
Reste à savoir si la Cour suivra les réquisitions du parquet ou si elle réservera une surprise aux observateurs. Une chose est sûre : ce procès est loin d’être anodin et risque de laisser des traces dans le paysage judiciaire et politique guinéen.
Saliou Keita