Le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Yaya Kairaba Kaba, a effectué une visite poignante au plus grand centre de détention de Guinée, où il a dressé un constat amer. Il a mis en lumière plusieurs lacunes, notamment la lutte contre la détention préventive prolongée, un phénomène persistant qui conduit de nombreuses personnes à se retrouver en détention illégale dans les prisons guinéennes. La question évidente qui se pose est : pourquoi cette pratique persiste-t-elle malgré les appels à son éradication, et quelles mesures le ministre compte-t-il prendre pour lutter contre ce fléau ?
Interrogé à ce sujet, un avocat a souligné que la détention préventive prolongée reste un défi majeur dans le système judiciaire guinéen. De nombreuses personnes y passent des mois pour des infractions mineures, ou peinent à recouvrer leur liberté même après avoir été jugées et acquittées. Me Frédérique Foromou Loua a rappelé un cas qu’il a défendu, celui d’un détenu ayant déjà purgé sa peine mais ayant été reconduit en prison en raison de la non-tenue des registres, restant ainsi illégalement détenu pendant deux ans et trois mois.
Pour changer la donne, le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme a affirmé vouloir mener un combat sans merci contre ce phénomène. Bien que cette déclaration soit saluée dans le milieu judiciaire, l’avocat souligne que le chemin à parcourir sera difficile. Il a déclaré : « Il faut un ensemble d’actions qui consistent à mobiliser les avocats à l’intérieur du pays, à augmenter les effectifs du personnel judiciaire, à fournir les moyens nécessaires aux juridictions pour fonctionner de manière efficace, parfois même à financer les actes de procédure, car les parquets sont parfois contraints de payer pour informer les différentes parties au procès, ce qui n’est pas normal ».
Dans le code pénal guinéen, une disposition spécifique prévoit un montant à payer pour chaque jour de détention illégale, variant entre 135 000 francs guinéens et plus, en fonction du revenu et de la personnalité du détenu. Cependant, l’un des obstacles majeurs est la tenue inadéquate des registres dans les prisons, rendant difficile le suivi et la comptabilisation des détentions prolongées. « Il est impératif d’informatiser la tenue des registres afin que ceux-ci reflètent en temps réel le nom des personnes en situation de détention prolongée illégale, afin que des mesures correctives puissent être prises », a souligné l’avocat.
Face à ces défis, le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme devra donc s’engager pleinement pour mettre en place des réformes judiciaires cruciales, afin de garantir une justice équitable pour tous les citoyens de Guinée.
Alpha Amadou Diallo