Vendredi 28 mars 2025. Une date qui restera dans les annales de la justice guinéenne, non pas pour un grand bond en avant, mais pour un pas en arrière. Ce jour-là, le président de la transition, le Général Mamadi Doumbouya, a signé un décret accordant une grâce présidentielle à l’ancien chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara. Un geste qui résonne comme un coup de massue pour ceux qui espéraient que le procès du massacre du 28 septembre 2009 serait un tournant dans la lutte contre l’impunité.
La décision intervient alors que la procédure en appel suit encore son cours. Un choix politique, diront certains, une trahison judiciaire, affirmeront d’autres. Mais dans tous les cas, cette grâce jette un voile d’ombre sur un procès qui, depuis le début, navigue en eaux troubles. En coulisses, beaucoup murmurent leur consternation. Officiellement, rares sont ceux qui osent parler. Seul Me Alpha Amadou DS Bah, coordinateur des avocats de la partie civile, a brisé le silence.
« Nous ne sommes pas surpris de cette grâce, car ce scénario était prévu depuis le début du procès », lâche-t-il, désabusé. « Cela crée de l’impunité et vide le dossier de toute sa substance. Avec la grâce du principal condamné, le procès en appel perd tout son sens. Quelqu’un qui est condamné pour crime contre l’humanité et qui est gracié, c’est extrêmement grave pour notre justice. Mais nous attendons de voir ce qui va se passer. »
Le ton est amer, le constat implacable. Car pour Me DS Bah, cette décision présidentielle signifie une chose : la Cour d’Appel se retrouve bâillonnée. L’issue est prévisible, selon lui : « Ce n’est qu’une question de temps avant que les autres ne soient également graciés », ajoute-t-il, fataliste.
Que reste-t-il aux avocats de la partie civile ? Une mince lueur d’espoir dans un système qui vacille. « Nous étudions la possibilité de saisir la Cour suprême », confie Me DS Bah. Une bataille de plus dans un combat dont l’issue semble déjà écrite.
Mais au-delà du droit, c’est l’image même de la justice guinéenne qui vacille. Peut-on encore parler de responsabilité pénale quand une simple signature peut faire tomber les condamnations ? Cette grâce présidentielle est un message, et il est limpide : en Guinée, la justice reste une variable d’ajustement au gré des intérêts politiques. Un refrain bien connu, qui n’en finit plus de se répéter.
Algassimou L Diallo