Il y a quelques dizaines années, quand les films western mettant aux prises des méchants et des gentils étaient en vogue, on se précipitait dans les salles de cinéma pour suivre religieusement les projections jusqu’à la fin. Pour les férus de dessins animés, on ne se lassait de ces histoires que quand l’acteur principal avait réussi par un « tour de magie » digne de Lucky Luke (Ndlr : le fameux « homme qui tire plus vite que sont ombre ») à mystifier tous ses adversaires avec le fameux « The end » (Fin).
On est bien loin des aventures burlesques de Rantamplan (Ndlr : le chien le plus bête de l’Ouest) ou des fameux Daltons, ces rois de la cavale en tenues rayées de prisonniers qui finissent toujours… au gnouf. On est bien dans la réalité qui, malheureusement, commence à tourner à la tragi-comédie.
En vérité, dans le marigot trouble guinéen, les acteurs s’échangent les rôles et poussent leur avantage en fonction des circonstances et de leurs intérêts, parfois dans des scénarii improbables, voire ahurissants.
Hier, l’homme le plus recherché de Guinée était celui, qui enfilait ses habits de « justicier » pour faire sa loi, exerçant au passage sa technique bien maîtrisée de transformer un homme en fagot de bois.
Le colonel Jean-Claude Pivi était pourtant jusqu’au samedi 4 novembre 2023 entre les mains de ceux qui viennent, si on se fie à un communiqué du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Charles Alphonse Wright, de mettre sur la table une prime de… 500 millions de francs guinéens.
« Wanted », comme au temps des chasseurs de primes, comme aux heures les plus sombres du Far West ! Carrément ! Si on n’était pas dans la réalité, avec son lot de morts (Ndlr : au moins 9 morts dont une fillette de 6 ans), on devrait se pincer pour y croire.
Cette annonce sème le trouble quant à l’avancée réelle des enquêtes concernant Pivi – un commando formé par les meilleurs -, que l’on distinguait avec ses chapeaux bizarres couverts de cauris que l’opinion guinéenne a vraiment découvert lors de mutineries des forces armées au cours des années 1999-2000, sous l’ex président Lansana Conté.
Décrit par certains comme une « brute épaisse », ceux qui connaissent de plus près ce karatéka capable de briser une brique d’un coup de poing disent qu’ils sont souvent étonnés par son air débonnaire voire affable dans la vie de tous les jours.
Seulement voilà, l’image de tous les jours est bigrement ternie par les accusations portées contre lui, suite aux dramatiques événements du 28 septembre 2009, quand une horde de militaires, gendarmes et policiers a fondu sur le grand stade de Dixinn pour y commettre meurtres (au moins 157 tués), viols (au moins 100 femmes violées) et des centaines d’autres très graves exactions.
Le plus hallucinant est le fait que celui qu’on décrit à tort ou à raison comme « chef du commando » qui a réussi le tour de passe passe de mystifier tous les gardes dit « aguerris » lourdement armés – dont des éléments des Forces Spéciales, la « Navy Steal » version tropicale – de la Maison Centrale, Verny Pivi (le fils de l’autre) pour ne pas le nommer, aurait prévenu qu’il allait venir « libérer » son père…
Comment a-t-il pu défier tout le dispositif sécuritaire autour de la prison de Conakry – qui n’a théoriquement rien du bagne poreux des Daltons – pour parvenir à ses fins ?
Après avoir permis à un homme comme Pivi de se faire la malle, on en est réduit à un exercice de communication qui pourrait être diversement interprété. Qu’est-ce qu’on gagnerait à se taire et travailler en silence !
Oumar Camara