En dépit de sa « dissolution » officielle, le Front national pour la défense de la constitution (FNDC), appuyé par les principales coalitions politiques du pays, a organisé le jeudi 16 février 2023 plusieurs manifestations dans le Grand Conakry, émaillées d’incidents violents qui ont fait au moins 2 morts et 58 blessés, selon le mouvement.
Dans la nuit du mercredi 15 et durant toute la journée du jeudi 16, des groupes de jeunes se sont affrontés aux forces de l’ordre (police, gendarmerie) qui, par endroits, ont été débordés, obligeant des renforts militaires à se déployer sur place, tirant des coups de feu en l’air pour disperser les manifestants.
Les protestataires ont dans un premier temps jeté des projectiles, brûlé des pneus et affronté de face les policiers et gendarmes qui tentaient de contenir.
Selon le FNDC, au moins 2 jeunes ont été tués par balles, l’un à Hamdallaye Pharmacie (Abdoul Karim Diallo) et l’autre à Hafia 1 (Ibrahima Diallo), plongeant leurs familles dans la désolation. Le mouvement fait également état de 58 blessés dont plusieurs par balles et 47 de leurs militants arrêtés.
La famille d’Abdoul Karim Diallo a confirmé à lindependant.org la mort du jeune garçon de 19 ans dont le corps a été déposé dans un hôpital et rectifié son nom de famille (Diallo et non Bah comme le laissait croire les informations diffusées).
Un haut responsable de la police n’a pas confirmé ce bilan, se limitant à évoquer 7 blessés parmi les forces de l’ordre et 7 manifestants dont le fameux « Ben Laden » arrêtés.
Plusieurs véhicules de la police ont été caillassés et dans certains quartiers, des témoins ont vu les agents battre en retraite devant la foule de manifestants déchaînés.
Une source de la gendarmerie a dit à lindependant.org qu’une vingtaine d’agents ont été blessés de leur côté durant la journée du jeudi.
Par ailleurs, en plein reportage, un journaliste de TV5 s’est fait agressé par des éléments armés et la carte mémoire de la caméra retirée de force.
Le FNDC exige de la junte militaire au pouvoir en Guinée la libération sans conditions des leaders politiques et de la société civile incarcérés à la Maison Centrale de Conakry et l’organisation d’un dialogue incluant les principaux partis politiques et les principaux acteurs de la société civile en Guinée.
La veille de la manifestation, le procureur de la République, Yamoussa Conté, a fait une déclaration publique à la télévision d’Etat pour mettre en garde les auteurs d’éventuelles violences.
Depuis l’arrivée au pouvoir du colonel Mamadi Doumbouya près d’une quinzaine de personnes, en majorité des jeunes gens, ont perdu la vie dans des manifestations à caractère politique.
Le Comité national du redressement pour le développement (CNRD) a interdit les manifestations publiques, au grand dam des organisations des droits de l’homme et des leaders politiques.
Après plusieurs mois d’atermoiement, la junte militaire, installée depuis septembre 2021 suite au renversement de l’ex président Alpha Condé, a trouvé un accord avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui suit de près la transition guinéenne, promettant de rendre le pouvoir en 2024.
Cette durée de la transition est jugée « trop longue » par les principaux acteurs politiques du pays qui manœuvrent pour écourter le calendrier et favoriser un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
Amadou Tidiane Diallo