Parole donnée, parole bafouée. Alors que le ministère de l’Administration du territoire annonce le début du recensement électoral pour le 15 avril 2025, un parfum de déjà-vu plane sur la transition guinéenne. Le décor est planté : un processus piloté unilatéralement, des partis politiques tenus à l’écart, et une échéance qui ressemble plus à une course contre la montre qu’à une démarche démocratique. L’opposition grince des dents, et elle n’a peut-être pas tort.
Dans un entretien sans détour, Souleymane Souza Konaté, porte-voix de l’UFDG, l’a dit tout haut : « Nous ne sommes pas de simples observateurs, nous sommes les acteurs principaux du processus électoral. » Une vérité de base que le CNRD semble avoir soigneusement évitée. Car si les militants sont appelés à s’inscrire massivement, c’est dans un climat de défiance, voire d’hostilité.
Où sont les garants du jeu démocratique ? Aucun représentant des partis dans les commissions de révision. Aucune garantie de transparence. Un fichier électoral de 2020 – pourtant validé par l’OIF et la CEDEAO – mis de côté, au profit d’un flou biométrique sans boussole ni cap. Le Sénégal révise ses listes tous les 7 ans, l’Afrique du Sud tous les 10. En Guinée, on préfère repartir à zéro, sans explication convaincante, ni cadre légal clair.
Le plus grave ? L’absence d’un minimum de consensus. Aucun code électoral en vigueur, aucune Constitution validée, un collège d’experts qui aurait fini son travail en catimini… mais aucune trace officielle de son rapport. Comment, dans ces conditions, organiser un référendum crédible ?
Le CNRD, à force de décisions unilatérales, s’engage sur une pente glissante. Le risque ? Une transition pervertie, une crise de légitimité et une explosion de colère populaire. Ce ne serait pas une première dans l’histoire politique du pays.
Et que dire du coût du processus ? 35 millions de dollars pour 6 000 kits d’enrôlement. Une somme astronomique dans un contexte où les scandales financiers s’accumulent à un rythme inquiétant. Pour Konaté, la confiance est rompue : « Les rétrocommissions sont devenues la norme. » Difficile de lui donner tort quand aucune information n’est disponible sur les critères de sélection de l’opérateur chargé du recensement.
L’UFDG n’a pas dit son dernier mot. L’appel est clair : aller se faire enrôler, oui. Mais pas pour cautionner un processus biaisé. L’objectif reste le même : des élections libres, inclusives et transparentes. Et Konaté le martèle avec fermeté : « Nous veillerons à ce que chaque étape soit équitable. »
Un avertissement aussi à Mamadi Doumbouya, à qui l’on rappelle ses propres engagements. Pas de candidature, une charte à respecter, et une transition à mener à terme. La parole du chef de la transition ne peut rester un simple effet d’annonce. À moins de vouloir réveiller les vieux démons.
Algassimou L Diallo